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Les grandes libertines

Livre numérique


Madeleine-Sophie Arnould Madeleine-Sophie Arnould, née et morte à Paris (1740-1802), acquit une grande célébrité par ses bons mots, dont Albéric Deville a fait un recueil posthume intitulé

(1813).

Née dans une famille bourgeoise, elle débute à l'Opéra en 1757 et remporte des triomphes dans Les

. Sa grande beauté lui attire les faveurs de nombreux hommes mais aussi de femmes – dont la comédienne Françoise Raucourt, avec qui elle entretient une longue et tumultueuse relation. Dans le salon qu'elle tient deux fois par semaine, cette femme de lettres et d'esprit reçoit, entre autres, Voltaire, Rousseau, Diderot, d'Alembert, Beaumarchais, Benjamin Franklin, Lucien Bonaparte et l'architecte François-Joseph Bélanger, qui deviendra son amant et le consolateur des derniers jours.

Pendant vingt ans à l'Opéra, trente ans à la cour, elle personnifie toutes les héroïnes du répertoire lyrique et mène grand train, avant de se retirer de la scène publique en 1788, à la veille de la Révolution. La cantatrice s'exile alors à Luzarches, où elle vit en " quasi-paysanne ". Couverte de dettes et malade, elle n'en conserve pas moins sa gaîté et sa vivacité d'esprit. " Je suis trop vieille pour l'amour et trop jeune pour la mort ! " déclare-t-elle, et au prêtre qui lui apporte les derniers sacrements : " Il me sera beaucoup pardonné car j'ai beaucoup aimé. "

Françoise-Marie-Antoinette Saucerotte, dite Françoise Raucourt, Mademoiselle Raucourt, la Raucourt ou Fanny, née et morte à Paris (1756-1815), est issue d'une famille de comédiens. Elle débute à la Comédie-Française en 1772 dans le rôle de

et en devient sociétaire l'année suivante ; elle excelle notamment dans les grands rôles tragiques du répertoire (Cléopâtre, Agrippine, Athalie, Médée...).

À la ville, Françoise Raucourt s'affiche ouvertement avec ses maîtresses et collectionne les aventures tapageuses, en particulier avec la cantatrice Sophie Arnould. Dans

de Pidansat de Mairobert, ainsi que dans la correspondance du baron de Grimm, elle est honorée de la

, sorte de loge maçonnique pour dames.

Très opposée à la Révolution, elle est emprisonnée six mois en 1793 et voit fermer par ordre du Directoire le théâtre qu'elle avait fondé (salle Louvois). Elle reparaît sur scène en 1799, pensionnée par Bonaparte, grand admirateur de son talent, qui lui confie la direction du Théâtre-Français en Italie. Sa mort donne l'occasion aux Parisiens de lui témoigner leur affection. Le curé de la paroisse Saint-Roch ayant refusé de célébrer les obsèques de la tragédienne, le peuple envahit l'église et l'oblige à bénir le cercueil. Une foule immense, quinze mille personnes, dit-on, suit ensuite le convoi funèbre jusqu'au Père-Lachaise.