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Triangulation ou Des goûts du voyage : Essai

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Suivez Gloria Lanéry sur ses routes lointaines — en Chine, en Inde, en Sibérie, en Afrique —, où les rencontres et les événements forment un tableau saisissant de notre monde.

…Dans la quête géographique du point d’équilibre nécessaire à la marche entre le merveilleux et l’odieux, le monde, pas plus qu’il n’est plat sous nos semelles, n’est un objet étale de contemplation. Il est trop divers, trop complexe, trop brutal à l’autre bout d’un sourire accueillant pour ne lui accorder, en retour, qu’un fade enchantement.

Au fil de sept histoires fortes qui nous entraînent de la Sibérie aux déserts d’Afrique et jusqu’en Antarctique, Gloria Lanéry, une voix féminine assez rare dans le récit de voyage et de l’exploration, nous propose une réflexion audacieuse sur notre planète et sur celles et ceux qui l’habitent, quand on y regarde de plus près, en voyageuse plutôt qu’en touriste.

EXTRAIT

En quarante ans, l’avion a mis l’ailleurs à notre porte. Les distances se sont ratatinées. Le bout du monde est un saut de puce, l’aventure est une question de moyens et l’inconnu se mesure au bagage d’anglais dont on dispose pour retrouver le chemin de son hôtel. Si le mot « planète » évoque encore quelque espace, les routes aériennes qui la sillonnent se parcourent en termes d’heures. Le globe s’est rétréci à vous étriquer le rêve, et le mystère de ses enclaves inaccessibles est offert à l’oisiveté de chacun sur les écrans de télévision et l’internet.

Entre les aventuriers « inventeurs d’Amériques2 » et ceux d’aujourd’hui, il y a des sponsors qui vous financent, des hélicoptères qui vous transportent, l’électronique qui vous seconde. Les médias vous suivent, commentant vos « épreuves » à coup d’hyperboles, les liaisons satellitaires abolissent votre isolement, l’aléa tient lieu de risque et la nature régurgitée par l’image sert d’arrière-fond à l’image personnelle.

La dernière grande odyssée fut celle de la Lune, la prochaine sera peut-être celle des étoiles. Mais il n’y a pas de véritable danger là où il n’y a pas de rencontres, et ce qu’appréhendaient les grands marins ce n’était pas la haute mer, mais le rivage.

Nous sommes partout. Au lieu de « sauvages » tapis dans le sous-bois le long de grèves inabordées, la civilisation cache sous ses nippes contemporaines son ingrate nudité, et les côtes vierges des cartes anciennes sont colonisées, domestiquées, piscinisées par les hordes sans grâce des touristes.

Ce n’est donc pas un guide ni un récit flamboyant qu’on trouvera ici. Non que je boude une belle description qui propulsera le lecteur chez le voyagiste du coin et n’aie ma part de petites anecdotes, mais le paysage et la couleur locale sont, dans ces pages, les diversions à un voyage plus viscéral.