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Aujourd'hui, il fait beau

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Jost Vincent

Aujourd'hui il fait beau,

Aujourd'hui il fait beau. Je n'ai pas envi de rester chez moi, je veux voir un peu de monde, faire les boutiques afin de trouver de quoi ĂȘtre Ă  la mode. En plus, aujourd'hui je ne travaille pas; c'est dĂ©cidĂ© je vais en ville.

Je sais par avance que cette journĂ©e va ĂȘtre Ă©prouvante, mais je ne peux me rĂ©soudre Ă  rester chez moi par un si beau soleil.

Rasé de prÚs, légÚrement parfumé, j'ai enfilé ma chemise en micro fibres mauve et mon pantalon de coton noir pour paraßtre plus distingué que d'ordinaire.

Une fois dans ma voiture, j'actionne la porte de mon garage à l'aide de ma télécommande et me voilà parti pour une nouvelle aventure.

Sur la route, tout me semble si facile, je suis libre.

En ce mois de Septembre la nature commence Ă  prendre des couleurs ocres et or, c'est pour contempler tout cela que je passe par les petites routes au lieu de prendre la voie rapide.

A vrai dire, la nature est un bon prétexte pour ralentir mon arrivée à mon point de destination.

C'est vers la place Saint Pierre que je me dirige, comme chaque fois oĂč je viens ici. Mais Ă  peine arrivĂ© au parking, je deviens comme un boxeur dans son ring. Je sais que le combat va commencer: il me faut trouver une place oĂč je pourrai stationner, un endroit d'oĂč je pourrai sortir. Car ma voiture n'est pas une petite voiture, il me faut une bonne place pour la garer.

Tout à la fois anxieux depuis ce matin à l'idée de venir jouer les citadins dans une ville hostile, voilà que maintenant je sens la bile atteindre mon sourire.

Bien sĂ»r, la ville s'Ă©tait prĂ©parĂ©e Ă  ma venue, elle avait prĂ©vu une place pour quelqu'un comme moi, une place oĂč je pourrai m'arrĂȘter tranquillement, sans rajouter de stress Ă  ma frayeur quotidienne.

Mais comme Ă  chacun de mes passages, une autre personne possĂ©dant aussi une grosse voiture, un 4x4 d'une marque allemande je crois, s'Ă©tait arrĂȘtĂ© lĂ , pour un instant se rassurait-il.

S'il avait immobilisĂ© sa voiture Ă  ma place, ce n'Ă©tait que pour se prĂ©server d'avoir Ă  traverser toute l'Ă©tendue de l'allĂ©e menant jusqu'Ă  la sortie du parking qui donne immĂ©diatement sur la ville. Il avait payĂ© tout de mĂȘme, et puis, ce n'Ă©tait que pour quelques instants.

Alors j'ai tourné, tourné dans ce parking à chercher une place qui pourrai me convenir. Je suis repassé plusieurs fois devant ce 4x4 dont les instants devenaient peu à peu des minutes puis des heures certainement.

Une fois à bout, je vis deux places libres l'une à coté de l'autre, j'enjambais un peu des deux et pour une fois, je profitais de l'occasion qui s'offrait à moi de monopoliser deux places pour le prix d'une.

Aujourd'hui, il fait beau. Je suis enfin en ville, mais dĂ©jĂ  bien Ă©nervĂ© par la bataille que je viens de mener. Je me traĂźne au milieu des trottoirs, j'Ă©puise mes forces Ă  force d'efforts pour passer de l'un Ă  l'autre. Parfois mĂȘme je renonce et rebrousse chemin pour en choisir un plus amical.

Dans ces moments je me dis que la ville me déteste.

Elle place toujours devant moi un obstacle; la ville hait mon corps et ne s'adapte pas Ă  moi.

Quand je passe devant les vitrines, je surprends ce regard haineux qui transpire de moi, je dois vraiment passer pour un mauvais bougre, ce qui doit probablement expliquer tous ces regard hautains que me jettent les passants.

Hautains et méprisants, leurs regards se détournent de moi dÚs que je les croise.

Aujourd'hui, il fait beau. Mais j'aurai dĂ» rester chez moi.

Y rester pour m'imaginer ĂȘtre allĂ© en ville pour y faire quelques achats.

Mais quelle idĂ©e ces RTT, et mĂȘme s'il fait beau, ma journĂ©e aurait Ă©tĂ© bien plus plaisante si je l'avais passĂ© au boulot.

Je savais bien, pourtant, que la vile ne m'aime plus depuis que je suis différent, depuis que je suis en fauteuil roulant.

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