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Aventures de John Davys

E-book


Alexandre Dumas (1802-1870)

"Il y a Ă  peu prĂšs quarante ans, Ă  l’heure oĂč j’écris ces lignes, que mon pĂšre, le capitaine Edouard Davys, commandant la frĂ©gate anglaise la Junon, eut la jambe emportĂ©e par un des derniers boulets partis du vaisseau le Vengeur, au moment oĂč il s’abĂźmait dans la mer plutĂŽt que de se rendre.

Mon pĂšre, en rentrant Ă  Portsmouth, oĂč le bruit de la victoire remportĂ©e par l’amiral Howe l’avait prĂ©cĂ©dĂ©, y trouva son brevet de contre-amiral ; malheureusement, ce titre lui Ă©tait accordĂ© Ă  titre d’honorable retraite, les lords de l’amirautĂ© ayant, sans doute, pensĂ© que la perte d’une jambe rendrait moins actifs les services que le contre-amiral Edouard Davys, Ă  peine arrivĂ© Ă  l’ñge de quarante-cinq ans, pouvait rendre encore Ă  la Grande-Bretagne, s’il n’avait point Ă©tĂ© victime de ce glorieux accident.

Mon pĂšre Ă©tait un de ces dignes marins qui ne comprennent pas trop de quelle nĂ©cessitĂ© est la terre si ce n’est pour se ravitailler d’eau fraĂźche et y faire sĂ©cher du poisson. NĂ© Ă  bord d’une frĂ©gate, les premiers objets qui avaient frappĂ© ses yeux Ă©taient le ciel et la mer. Midshipman Ă  quinze ans, lieutenant Ă  vingt-cinq ans, capitaine Ă  trente, il avait passĂ© la plus belle et la meilleure partie de sa vie sur un vaisseau, et, tout au contraire des autres hommes, ce n’était que par hasard, et presque Ă  son corps dĂ©fendant, qu’il avait parfois mis le pied sur la terre ferme ; si bien que le digne amiral, qui aurait retrouvĂ© son chemin, les yeux fermĂ©s, dans le dĂ©troit de Behring ou dans la baie de Baffin, n’aurait pu, sans prendre un guide, se rendre de Saint-James Ă  Piccadilly. Ce ne fut donc point sa blessure en elle-mĂȘme qui l’affligea, ce furent les suites qu’elle entraĂźnait aprĂšs elle : c’est que, parmi toutes les chances qui attendent un marin, mon pĂšre avait souvent songĂ© au naufrage, Ă  l’incendie, au combat, mais jamais Ă  la retraite, et la seule mort Ă  laquelle il ne fĂ»t pas prĂ©parĂ© Ă©tait celle qui visite le vieillard dans son lit.

Aussi la convalescence du blessĂ© fut-elle longue et tourmentĂ©e ; sa bonne constitution finit cependant par l’emporter sur la douleur physique et les prĂ©occupations morales. Il faut dire, au reste, qu’aucun soin ne lui manqua pendant son douloureux retour Ă  la vie : sir Edouard avait prĂšs de lui un de ces ĂȘtres dĂ©vouĂ©s qui semblent appartenir Ă  une autre race que la nĂŽtre, et dont on ne trouve les types que sous l’uniforme du soldat ou la veste du marin."

John Davys est le fils d'un ancien capitaine de la Marine anglaise devenu contre-amiral aprĂšs avoir perdu une jambe. John est trĂšs vite initiĂ© Ă  la navigation sur un lac. A 17 ans, aprĂšs avoir terminĂ© ses Ă©tudes, il devient midshipman (aspirant) sur le "Trident". Tout pourrait bien se passer si le second, le lieutenant Burke, n'Ă©tait pas un ĂȘtre odieux, mĂ©chant et lĂąche...