Ballade dans le regard du clown n'est peut-être après tout qu'une balade dans les rues de Paris, en ces jours particuliers où fleurit et chante, plus ou moins drue et plus ou moins juste, cette sorte de révolution qu'on appelle déjà les « évènements » de mai 68. Excepté que ceux que le spectateur suit ou scrute du regard sont un orphelin en cavale à la recherche de sa mère, et un vieux clown qui se prétend Dieu, jardinier, géomètre ou plombier, ce qui pour lui semble d'ailleurs revenir au même. Pourtant, dans cette effervescence où se révèlent tant de rêves ou d'illusions, mais aussi tant de vanités, le clown révèle au détour des rencontres et des dialogues une divinité insoupçonnée, pleine de doutes et de remords. Par son regard, dont il avoue lui-même avoir trouvé la couleur dans un poème du grand poète russe Akoudjava, il revisite à demi-mots et petits pas les certitudes des hommes, leurs ambigüités, leurs contradictions, toute la mesure de l'univers. Mais ce clown est-il vraiment Dieu qui s'est fait clown, ou simple plombier-jardinier-géomètre baliverneur, et décidément mythomane ? Une question que ne se pose guère l'enfant qu'il accompagne, tant ce dernier a besoin de se trouver un chemin à tout prix dans cet incompréhensible monde. Fable d'une recherche des racines, à laquelle n'échappent guère même les révolutions d'un monde qui bouge. Au travers du regard singulier du clown, la véritable aventure n'est peut-être pas, après tout, le bout de la quête, mais le chemin qui y conduit.