La prĂ©caritĂ© de sa condition expose lâĂȘtre humain sur tous les fronts. Son besoin de protection tend, au fil de lâĂ©volution et du processus de civilisation, Ă sâexacerber jusquâĂ prendre la forme, pathologique, de la nĂ©vrose de dĂ©fense. Un mystĂ©rieux syndrome dâenfermement semble condamner lâhumain Ă se prendre au piĂšge des structures (domestiques, politiques, techniques, symboliquesâŠ) quâil sĂ©crĂšte comme des sortes de bunkers pour se mettre Ă couvert. Aux murs que lâindividu Ă©difie dans lâespace physique rĂ©pondent, dans le registre psychique, les grilles thĂ©oriques, les fantasmes, les manies et les idĂ©ologies sous le masque desquels il se fuit.
Se privatisant dans le for intĂ©rieur ou se dilatant Ă lâextĂ©rieur jusquâĂ couvrir la planĂšte entiĂšre, le bunker, au sens Ă©largi oĂč on le conçoit ici, se dĂ©cline dâinnombrables maniĂšres. Il parle du passĂ© aussi bien que du prĂ©sent, de la guerre dâhier et de la hantise dâaujourdâhui. Il tĂ©moigne, plus que tout, de la difficultĂ© de se mettre Ă nu et dâaller Ă la rencontre de lâinconnu â dâĂȘtre, tout simplement, sans sâĂ©vertuer Ă interposer entre soi et le rĂ©el dont on a si peur une infinitĂ© dâĂ©crans qui en travestissent la nature.
La lecture de cet essai se prĂ©sente comme un voyage initiatique au sein du monde opprimant des murs et des clĂŽtures, afin de pĂ©nĂ©trer un peu mieux les raisons de cette frayeur portant les individus aussi bien que les Ătats Ă se replier dans leur quant-Ă -soi, comme si lâon ne pouvait mĂȘme plus envisager de sortir de lâangoisse devenue endĂ©mique.