On dit que la musique adoucit les mœurs…
À la mort de son père, médecin dans le delta du Mississippi, un riche chirurgien hérite d'une valise remplie de notes et de bandes magnétiques, qui constituent divers témoignages sur l'existence des Noirs dans le Sud des États-Unis juste avant la Grande Dépression.
De ces documents émerge la geste d'un chanteur et guitariste itinérant, interprète de blues et de spirituals. Trois hommes, un musicien, un pasteur et un talent scout employé par une maison de disques, racontent chacun à leur manière son histoire, que le chirurgien complètera lui-même en allant écouter une vieille femme noire dans une maison de retraite.
Ainsi prend forme la vie de Manson, songster touché par la grâce, faiseur de miracles et ennemi des bien-pensants, dont nul ne sait rien avant la battle of songs qu'il remporte contre John le Baptiste. Autour de lui s’agrège un orchestre disparate qui sillonne les routes du delta. Certains de ses membres essaient simplement de survivre, d’autres rêvent de gloire et l’un d’entre eux voudrait bouleverser la société. Mais aucun ne comprend qui est réellement Manson ou ne distingue la voie sur laquelle il cherche à les guider, du moins jusqu’à l’achèvement de son destin.
Un roman prenant qui se lit en musique car associé à une bande-son que l’on peut découvrir sur Deezer
EXTRAIT
Tout a commencé après la mort de mon père. J'étais resté loin du Mississippi pendant près de trois ans. Mes voyages dans le Sud ont toujours été rares, depuis mon départ à Chicago pour faire mes études de médecine. Lorsque nous avons enterré maman, les liens familiaux se sont encore distendus. Je n'avais rien à dire à mon père, bien qu'il ait pratiqué le même métier que moi plus d'une quarantaine d'années. En réalité, lui seul imaginait que j'avais suivi sa voie. De mon point de vue, un neurochirurgien de réputation mondiale tel que moi n'avait rien de commun avec un médecin pour péquenots qui passait ses journées à rouler sur les routes du Delta du Mississippi, d'une ferme à l'autre. Je me croyais infiniment supérieur à lui. Il a fallu qu'il meure pour que je mesure l'étendue de mon erreur, pour que je comprenne que tous les critères qui me servaient à déterminer la valeur respective de nos existences étaient erronés. Désormais, je regrette chaque jour d'avoir été incapable d'écouter ce qu'il avait à m'apprendre, je maudis cette suffisance imbécile qui m'empêchait de communiquer avec lui, de profiter de son savoir, de sa sagesse et de son humanité.
CE QU’EN PENSE LA CRITIQUE
« À la fois un hymne au blues du début du XIXe siècle, un hymne à la vie et à l’amour, et une sensibilisation à la dure vie de la population noire américaine des années 1920, Chaumette réalise un vrai tour de force dans ce court roman. » – Actu SF
« La bonté et la beauté qui se dégagent de ce texte me l’ont fait lire en un rien de temps et j’avais du mal à quitter cette époque un peu invraisemblable où les pires des actions chez les persécuteurs pouvaient mener aux plus beaux des sentiments chez les persécutés. C’est une belle leçon de vie, même si parfois un peu édulcorée en ce qui concerne Manson, qui nous montre toute l’horreur et la beauté de l’être humain. » – Mort-Sure