« Le protestantisme seul nous donne la République » écrivait Michelet en 1856, en ayant en tête à la fois les origines de la Réforme au XVIe siècle et sa propre époque, au lendemain des révolutions de 1848.
La formule frappe et elle semble annoncer ce que sera, en effet, le socle de la IIIe République. Pourtant Michelet est loin d’être le premier à s’emparer de cette idée et à suggérer une sorte d’affinité historique de long terme entre la révolution ecclésiastique protestante de la Renaissance et l’affirmation de nouvelles idées politiques, fondées sur la liberté, le libre examen ou le rejet des pouvoirs tyranniques. À sa façon, souvent prophétique, il reprend en fait des affirmations courantes depuis le milieu du XVIIIe siècle, souvent mobilisées de manière polémique, qui voyaient dans les idées issues de la Réforme un puissant ferment de transformation des sociétés européennes, pour s’en réjouir ou pour le déplorer comme chez Joseph de Maistre ou Louis de Bonald.
Peut-on aujourd’hui suivre Michelet et considérer qu’il y a bien une forme de proximité entre protestantisme, république et démocratie ? Pour ne pas céder à une illusion rétrospective qui nous ferait prendre les combats de la IIIe République et les prémonitions de Michelet pour une vérité, pour ne pas inventer une généalogie politique improbable entre Luther, Zwingli ou Calvin et les républicains du XIXe siècle, Marc Aberle fait le choix d’une enquête à rebours, qui nous ramène au passé pour comprendre le triomphe moderne de la République.
Postface d’Olivier Christin