Jack London (1876-1916)
"Maintenant câĂ©tait la fin.
Subienkow, le Polonais, aprĂšs avoir, depuis Varsovie et la SibĂ©rie, suivi une longue piste dâamertume et dâhorreur, et comme le ramier qui tend Ă tire dâailes vers son colombier, avoir sans cesse, du regard, fixĂ© dans sa course les capitales salvatrices de lâEurope civilisĂ©e, sâĂ©tait Ă©crasĂ© sur le sol, plus loin que jamais de son but, dans ce coin perdu du monde polaire.
Ici, dans lâAmĂ©rique du Nord, la piste cessait. Il Ă©tait accroupi dans la neige, les bras liĂ©s derriĂšre le dos, dans lâattente de la torture. Il fixait du regard un Ă©norme Cosaque, couchĂ© devant lui la face sur la neige. Les hommes avaient terminĂ© avec le gĂ©ant, quâils venaient de repasser aux femmes. Et les hurlements de la victime attestaient que, pour le raffinement de la souffrance, les femmes dĂ©passaient les hommes.
Subienkow contemplait la scĂšne et frĂ©missait. Ce nâĂ©tait pas quâil craignĂźt de mourir. Trop longtemps la vie lui avait Ă©tĂ© Ă charge, au cours de son long calvaire, pour que la pensĂ©e de la mort le fĂźt trembler. Mais contre la torture il se rĂ©voltait. Elle Ă©tait une insulte Ă sa dignitĂ© dâhomme. Une insulte, non pas seulement par la douleur quâil lui faudrait endurer, mais aussi par lâignominieux spectacle que la douleur ferait de lui.
Il savait quâil prierait et supplierait ses bourreaux, quâil mendierait sa grĂące, tout comme le gros Ivan, couchĂ© lĂ , et tous les autres qui lâavaient prĂ©cĂ©dĂ©."
Recueil de 7 nouvelles inspirées du Grand Nord, son caractÚre sauvage et son hostilité à l'homme.
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