Emile Gaboriau (1832-1873)
"Se venger !...
Telle est la première, l’unique pensée, lorsqu’on se voit victime d’une injustice atroce, de quelque guet-apens infâme où s’engloutissent l’honneur et la fortune, le présent, l’avenir et jusqu’à l’espérance.
Les tourments qu’on endure ne peuvent être atténués que par l’idée qu’on les rendra au centuple.
Et rien ne semble impossible en ce premier moment, où des flots de haine montent au cerveau en même temps que l’écume de la rage monte aux lèvres, nul obstacle ne semble insurmontable, ou plutôt on n’en aperçoit aucun.
C’est plus tard, quand les facultés ont repris leur équilibre, qu’on mesure l’abîme qui sépare la réalité du rêve, le projet de l’exécution.
Et quand il faut se mettre à l’œuvre, à beaucoup le découragement arrive. La fièvre est passée, on se résigne... On maudit, mais on n’agit pas... On s’engourdit dans son opprobre immérité... On s’abandonne, ou désespère... on se dit : à quoi bon !
Et l’impunité des coquins est une fois de plus assurée.
Un abattement pareil attendait Pascal Férailleur, le matin où, pour la première fois, il s’éveilla dans ce pauvre appartement de la route de la Révolte où il était venu se cacher sous le nom de Mauméjan..."
Suite de : "Pascal et Marguerite"