Honoré de Balzac (1799-1850)
"Beaucoup de personnes ont dĂ» rencontrer dans certaines provinces de France plus ou moins de chevaliers de Valois, car il en existait un en Normandie, il sâen trouvait un autre Ă Bourges, un troisiĂšme florissait en 1816 dans la ville dâAlençon, peut-ĂȘtre le Midi possĂ©dait-il le sien. Mais le dĂ©nombrement de cette tribu valĂ©sienne est ici sans importance. Tous ces chevaliers, parmi lesquels il en est sans doute qui sont Valois comme Louis XIV Ă©tait Bourbon, se connaissaient si peu entre eux, quâil ne fallait point leur parler des uns aux autres ; tous laissaient dâailleurs les Bourbons en parfaite tranquillitĂ© sur le trĂŽne de France, car il est un peu trop avĂ©rĂ© que Henri IV devint roi faute dâun hĂ©ritier mĂąle dans la premiĂšre branche dâOrlĂ©ans, dite de Valois. Sâil existe des Valois, ils proviennent de Charles de Valois, duc dâAngoulĂȘme, fils de Charles IX et de Marie Touchet, de qui la postĂ©ritĂ© mĂąle sâest Ă©galement Ă©teinte, jusquâĂ preuve contraire. Aussi ne fut-ce jamais sĂ©rieusement que lâon prĂ©tendit donner cette illustre origine au mari de la fameuse Lamothe-Valois, impliquĂ©e dans lâaffaire du collier.
Chacun de ces chevaliers, si les renseignements sont exacts, fut, comme celui dâAlençon, un vieux gentilhomme, long, sec et sans fortune. Celui de Bourges avait Ă©migrĂ©, celui de Touraine sâĂ©tait cachĂ©, celui dâAlençon avait guerroyĂ© dans la VendĂ©e et quelque peu chouannĂ©. La majeure partie de la jeunesse de ce dernier sâĂ©tait passĂ©e Ă Paris, oĂč la RĂ©volution le surprit Ă trente ans au milieu de ses conquĂȘtes. AcceptĂ© par la haute aristocratie de la province pour un vrai Valois, le chevalier de Valois dâAlençon avait, comme ses homonymes, dâexcellentes maniĂšres et paraissait homme de haute compagnie. Quant Ă ses mĆurs publiques, il avait lâhabitude de ne jamais dĂźner chez lui ; il jouait tous les soirs, et sâĂ©tait fait prendre pour un homme trĂšs spirituel. Son principal dĂ©faut consistait Ă raconter une foule dâanecdotes sur le rĂšgne de Louis XV et sur les commencements de la RĂ©volution ; et les personnes qui les entendaient la premiĂšre fois les trouvaient assez bien narrĂ©es."
Alençon, 1816. Rose Cormon est une vieille fille qui espÚre encore trouver le mari digne de son rang et de sa fortune. Deux prétendants lui font la cour : le chevalier de Valois, royaliste distingué, et M. du Bousquier, républicain assez vulgaire...