Raymonde prĂȘta lâoreille. De nouveau et par deux fois le bruit se fit entendre, assez net pour quâon pĂ»t le dĂ©tacher de tous les bruits confus qui formaient le grand silence nocturne, mais si faible quâelle nâaurait su dire sâil Ă©tait proche ou lointain, sâil se produisait entre les murs du vaste chĂąteau, ou dehors, parmi les retraites tĂ©nĂ©breuses du parc.
Doucement elle se leva. Sa fenĂȘtre Ă©tait entrouverte, elle en Ă©carta les battants. La clartĂ© de la lune reposait sur un calme paysage de pelouses et de bosquets oĂč les ruines Ă©parses de lâancienne abbaye se dĂ©coupaient en silhouettes tragiques, colonnes tronquĂ©es, ogives incomplĂštes, Ă©bauches de portiques et lambeaux dâarcs-boutants. Un peu dâair flottait Ă la surface des choses, glissant Ă travers les rameaux nus et immobiles des arbres, mais agitant les petites feuilles naissantes des massifs.