Jules Verne (1828-1905)
"Le 18 octobre 1827, vers cinq heures du soir, un petit bĂątiment levantin serrait le vent pour essayer dâatteindre avant la nuit le port de Vitylo, Ă lâentrĂ©e du golfe de Coron.
Ce port, lâancien Oetylos dâHomĂšre, est situĂ© dans lâune de ces trois profondes indentations qui dĂ©coupent, sur la mer Ionienne et sur la mer ĂgĂ©e, cette feuille de platane, Ă laquelle on a trĂšs justement comparĂ© la GrĂšce mĂ©ridionale. Sur cette feuille se dĂ©veloppe lâantique PĂ©loponnĂšse, la MorĂ©e de la gĂ©ographie moderne. La premiĂšre de ces dentelures, Ă lâouest, câest le golfe de Coron, ouvert entre la MessĂ©nie et le Magne ; la seconde, câest le golfe de Marathon, qui Ă©chancre largement le littoral de la sĂ©vĂšre Laconie ; le troisiĂšme, câest le golfe de Nauplie, dont les eaux sĂ©parent cette Laconie de lâArgolide.
Au premier de ces trois golfes appartient le port de Vitylo. CreusĂ© Ă la lisiĂšre de sa rive orientale, au fond dâune anse irrĂ©guliĂšre, il occupe les premiers contreforts maritimes du TaygĂšte, dont le prolongement orographique forme lâossature de ce pays du Magne. La sĂ»retĂ© de ses fonds, lâorientation de ses passes, les hauteurs qui le couvrent, en font lâun des meilleurs refuges dâune cĂŽte incessamment battue par tous les vents de ces mers mĂ©diterranĂ©ennes.
Le bĂątiment, qui sâĂ©levait, au plus prĂšs, contre une assez fraĂźche brise de nord-nord-ouest, ne pouvait ĂȘtre visible des quais de Vitylo. Une distance de six Ă sept milles lâen sĂ©parait encore. Bien que le temps fĂ»t trĂšs clair, câest Ă peine si la bordure de ses plus hautes voiles se dĂ©coupait sur le fond lumineux de lâextrĂȘme horizon.
Mais ce qui ne pouvait se voir dâen bas pouvait se voir dâen haut, câest-Ă -dire du sommet de ces crĂȘtes qui dominent le village."
1827 : Les grecs se révoltent contre la domination de leur pays par l'empire ottoman. Nicolas Starkos, un étrange marin, revient à Vitylo, un port de pirates et de pilleurs d'épaves ; il part se recueillir à l'ancienne maison familiale mais sa mÚre, Andronika, lui interdit l'entrée et le maudit. Pendant ce temps, Henry d'Albaret, un lieutenant de vaisseau français qui combat les Turcs aux cÎtés des Grecs, est amoureux d'Hadjine, la fille du banquier Elizundo...