Alexandre Dumas (1802-1870)
"Je passais, en 1831, devant la porte de Chevet, lorsque jâaperçus, dans la boutique, un Anglais qui tournait et retournait en tous sens une tortue quâil marchandait avec lâintention dâen faire, aussitĂŽt quâelle serait devenue sa propriĂ©tĂ©, une turtle soup.
Lâair de rĂ©signation profonde avec lequel le pauvre animal se laissait examiner, sans mĂȘme essayer de se soustraire en rentrant dans son Ă©caille, au regard cruellement gastronomique de son ennemi, me toucha. Il me prit une envie soudaine de lâarracher Ă la marmite, dans laquelle Ă©taient dĂ©jĂ plongĂ©es ses pattes de derriĂšre ; jâentrai dans le magasin, oĂč jâĂ©tais fort connu Ă cette Ă©poque, et, faisant un signe de lâĆil Ă madame Beauvais, je lui demandai si elle mâavait conservĂ© la tortue que jâavais retenue, la veille, en passant.
Madame Beauvais me comprit avec cette soudainetĂ© dâintelligence qui distingue la classe marchande parisienne, et, faisant glisser poliment la bĂȘte des mains du marchandeur, elle la remit entre les miennes, en disant, avec un accent anglais trĂšs prononcĂ©, Ă notre insulaire, qui la regardait la bouche bĂ©ante :
â Pardon, milord, la petite tortue, il ĂȘtre vendue Ă monsieur depuis ce matin.
â Ah ! me dit en trĂšs bon français le milord improvisĂ©, câest Ă vous, monsieur, quâappartient cette charmante bĂȘte ?"
Les aventures du capitaine Pamphile, commerçant et flibustier, sont racontées au fil des jours, par une bande d'artistes bohÚmes. Les animaux font partie intégrante de cette communauté et certains d'entre eux sont arrivés en France par l'entremise du capitaine Pamphile : l'ours Tom et les deux singes Jacques Ier et Jacques II. Leur triste histoire est racontée en parallÚle de celle du peu scrupuleux Pamphile.
Alexandre Dumas, avec un ton humoristique, aborde des thÚmes graves tels que la traite des noirs ou la société de l'argent.