Auguste Gilbert de Voisins (1877-1939)
"Ă peine lâaube commençait-elle de dissiper la nuit. Sur toute lâĂ©tendue des champs et des cultures, aux environs de Nazareth, lâombre rĂ©gnait encore, mais dans le ciel oriental, tout aux confins de la plaine, des lueurs bleuĂątres et grises montaient, annonçant, timidement, un beau jour. Les astres paraissaient plus pĂąles ; une brise fraĂźche surgit, comme un souffle de la terre dormante, qui dĂ©pouilla les oliviers de leur vĂȘtement nocturne. Un coq chanta clair dans une ferme, au loin. Dâautres coqs lui rĂ©pondirent.
Soudain, vers le zĂ©nith, lâatmosphĂšre Ă demi opaque de cette heure matinale se dĂ©chira sous le tranchant dâun Ă©clair et, bien que nul orage ne fĂ»t visible au-dessus de lâhorizon, le tonnerre gronda sourdement. EffrayĂ©s, les oiseaux se levĂšrent des arbres, des buissons, en une seule bouffĂ©e de plumes, voletĂšrent en piaillant, puis regagnĂšrent leurs nids. Des liĂšvres qui broutaient sâenfuirent ; les bĂȘtes qui frĂ©quentent lâombre se sentirent pĂ©nĂ©trĂ©es dâune brusque Ă©pouvante et des bĆufs que lâon avait laissĂ©s aux champs tournĂšrent lentement leurs lourdes tĂȘtes pour reprendre ensuite le cours monotone dâun long rĂȘve. Ce fut tout. DĂ©jĂ retombaient les tourbillons poudreux qui sâĂ©taient formĂ©s sur la route.
Contre son bas cĂŽtĂ©, prĂšs du fossĂ© de droite, gisait le corps dâun homme. Se trouvait-il lĂ quelques moments plus tĂŽt ? On nâaurait su le dire. Dâailleurs, la nuit traĂźnait encore ses derniers voiles dans cette piste creuse que des arbres abritaient ; lâaube nây jetait pas ses lueurs."
Il y a longtemps, en Palestine, une nouvelle Ă©toile apparaĂźt dans le ciel...