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Le mort vivant

E-book


Robert-Louis Stevenson (1850-1894)

"Combien le lecteur, – tandis que, commodĂ©ment assis au coin de son feu, il s’amuse Ă  feuilleter les pages d’un roman, – combien il se rend peu compte des fatigues et des angoisses de l’auteur ! Combien il nĂ©glige de se reprĂ©senter les longues nuits de luttes contre des phrases rĂ©tives, les sĂ©ances de recherches dans les bibliothĂšques, les correspondances avec d’érudits et illisibles professeurs allemands, en un mot tout l’énorme Ă©chafaudage que l’auteur a Ă©difiĂ© et puis dĂ©moli, simplement pour lui procurer, Ă  lui, lecteur, quelques instants de distraction au coin de son feu, ou encore pour lui tempĂ©rer l’ennui d’une heure en wagon !

C’est ainsi que je pourrais fort bien commencer ce rĂ©cit par une biographie complĂšte de l’Italien Tonti : lieu de naissance, origine et caractĂšre des parents, gĂ©nie naturel (probablement hĂ©ritĂ© de la mĂšre), exemples remarquables de prĂ©cocitĂ©, etc. AprĂšs quoi je pourrais Ă©galement infliger au lecteur un traitĂ© en rĂšgle sur le systĂšme Ă©conomique auquel le susdit Italien a laissĂ© son nom. J’ai lĂ , dans deux tiroirs de mon cartonnier, tous les matĂ©riaux dont j’aurais besoin pour ces deux paragraphes ; mais je dĂ©daigne de faire Ă©talage d’une science d’emprunt. Tonti est mort ; je dois mĂȘme dire que je n’ai jamais rencontrĂ© personne pour le regretter. Et quant au systĂšme de la tontine, voici, en quelques mots, tout ce qu’il est nĂ©cessaire qu’on en connaisse pour l’intelligence du simple et vĂ©ridique rĂ©cit qui va suivre :

Un certain nombre de joyeux jeunes gens mettent en commun une certaine somme, qui est ensuite dĂ©posĂ©e dans une banque, Ă  intĂ©rĂȘts composĂ©s. Les dĂ©posants vivent leur vie, meurent chacun Ă  son tour ; et, quand ils sont tous morts Ă  l’exception d’un seul, c’est Ă  ce dernier survivant qu’échoit toute la somme, intĂ©rĂȘts compris. Le survivant en question se trouve ĂȘtre alors, suivant toute vraisemblance, si sourd qu’il ne peut pas mĂȘme entendre le bruit menĂ© autour de sa bonne aubaine ; et, suivant toute vraisemblance, il a lui-mĂȘme trop peu de temps Ă  vivre pour pouvoir en jouir. Le lecteur comprend maintenant ce que le systĂšme a de poĂ©tique, pour ne pas dire de comique : mais il y a en mĂȘme temps, dans ce systĂšme, quelque chose de hasardeux, une apparence de sport, qui, jadis, l’a rendu cher Ă  nos grands-parents."

Les deux frÚres Joseph et Masterman Finsbury sont les derniers survivants d'un groupe d'amis ayant créé une tontine. Maurice, le fils d'un troisiÚme frÚre décédé, estimant avoir été spolié de son héritage par Joseph, veut que ce dernier le désigne comme bénéficiaire de la tontine. Mais survient un accident ferroviaire et l'oncle Joseph meurt...

Une tontine, un accident ferroviaire, un colis au mauvais destinataire et une pincée d'humour anglais !