Alexandre Dumas (1802-1870)
"Transportons de plein saut, sans préface, sans préambule, ceux de nos lecteurs qui ne craindront pas de faire, avec nous, une enjambée de trois siÚcles dans le passé, en présence des hommes que nous avons à leur faire connaßtre, et au milieu des événements auxquels nous allons les faire assister.
Nous sommes au 5 mai de lâannĂ©e 1555.
Henri II rĂšgne sur la France ;
Marie Tudor, sur lâAngleterre ;
Charles Quint, sur lâEspagne, lâAllemagne, les Flandres, lâItalie et les deux Indes, câest-Ă -dire sur un sixiĂšme du monde.
La scĂšne sâouvre aux environs de la petite ville dâHesdin-Fert, quâachĂšve de rebĂątir Emmanuel Philibert, prince de PiĂ©mont, en remplacement dâHesdin-le-Vieux, quâil a pris et rasĂ©, lâannĂ©e prĂ©cĂ©dente. â Donc, nous voyageons dans cette partie de lâancienne France quâon appelait alors lâArtois, et quâon appelle aujourdâhui le dĂ©partement du Pas-de-Calais.
Nous disons de lâancienne France, car un instant lâArtois a Ă©tĂ© rĂ©uni au patrimoine de nos rois par Philippe-Auguste, le vainqueur de Saint-Jean-dâAcre et de Bouvines ; mais, entrĂ©, en 1180, dans la maison de France, donnĂ©, en 1237, par saint Louis, Ă Robert, son frĂšre cadet, il sâĂ©gara aux mains de trois femmes : Mahaud, Jeanne Ire et Jeanne II, dans trois maisons diffĂ©rentes. Puis avec Marguerite, sĆur de Jeanne II et fille de Jeanne Ire, il passa au comte Louis de MĂąle, dont la fille le fit entrer, en mĂȘme temps que les comtĂ©s de Flandres et de Nevers, dans la maison des ducs de Bourgogne. Enfin, Charles-le-TĂ©mĂ©raire mort, Marie de Bourgogne, derniĂšre hĂ©ritiĂšre du nom gigantesque et des biens immenses de son pĂšre, alla, le jour oĂč elle Ă©pousa Maximilien, fils de lâempereur FrĂ©dĂ©ric III, rĂ©unir nom et richesses au domaine de la maison dâAutriche, lesquels sây engloutirent comme un fleuve qui se perd dans lâOcĂ©an."