Jules Verne (1828-1905)
"Ce soir-lĂ â 17 mars 1859 â le capitaine Craventy donnait une fĂȘte au fort Reliance.
Que ce mot de fĂȘte nâĂ©veille pas dans lâesprit lâidĂ©e dâun gala grandiose, dâun bal de cour, dâun « raout » carillonnĂ© ou dâun festival Ă grand orchestre. La rĂ©ception du capitaine Craventy Ă©tait plus simple, et, pourtant, le capitaine nâavait rien Ă©pargnĂ© pour lui donner tout lâĂ©clat possible.
En effet, sous la direction du caporal Joliffe, le grand salon du rez-de-chaussĂ©e sâĂ©tait transformĂ©. On voyait bien encore les murailles de bois, faites de troncs Ă peine Ă©quarris, disposĂ©s horizontalement ; mais quatre pavillons britanniques, placĂ©s aux quatre angles, et des panoplies, empruntĂ©es Ă lâarsenal du fort, en dissimulaient la nuditĂ©. Si les longues poutres du plafond, rugueuses, noirĂątres, sâallongeaient sur les contreforts grossiĂšrement ajustĂ©s, en revanche, deux lampes, munies de leur rĂ©flecteur en fer-blanc, se balançaient comme deux lustres au bout de leur chaĂźne et projetaient une suffisante lumiĂšre Ă travers lâatmosphĂšre embrumĂ©e de la salle. Les fenĂȘtres Ă©taient Ă©troites ; quelques-unes ressemblaient Ă des meurtriĂšres ; leurs carreaux, blindĂ©s par un Ă©pais givre, dĂ©fiaient toutes les curiositĂ©s du regard ; mais deux ou trois pans de cotonnades rouges, disposĂ©es avec goĂ»t, sollicitaient lâadmiration des invitĂ©s. Quant au plancher, il se composait de lourds madriers juxtaposĂ©s, que le caporal Joliffe avait soigneusement balayĂ©s pour la circonstance. Ni fauteuils, ni divans, ni chaises, ni autres accessoires des ameublements modernes ne gĂȘnaient la circulation. Des bancs de bois, Ă demi engagĂ©s dans lâĂ©paisse paroi, des cubes massifs, dĂ©bitĂ©s Ă coups de hache, deux tables Ă gros pieds, formaient tout le mobilier du salon ; mais la muraille dâentrefend, Ă travers laquelle une Ă©troite porte Ă un seul battant donnait accĂšs dans la chambre voisine, Ă©tait ornĂ©e dâune façon pittoresque et riche Ă la fois."
Le lieutenant Hobson est chargé par la "Compagnie de la baie d'Hudson" de fonder un établissement au-delà du cercle polaire. Il part, accompagné d'une solide équipe, mais s'installer au-dessus du 70° parallÚle nord est une aventure trÚs périlleuse...