Ainsi pour nous, modernes encore, les tard venus, il nâa pas suffi que le temps passe pour quâun devenir advienne. De lâessentiel en somme, nous nâaurons rien vu venir. Et nous serions tentĂ©s dâĂ©crire en exergue des textes ici rassemblĂ©s le mot de Pasternak : « Personne ne fait lâHistoire, on ne la voit pas, pas plus quâon ne voit lâherbe pousser. »
De fait, la contradiction entre devenir et temporalitĂ©, si on lâentend au sens de ce qui oppose lâinattendu Ă la visĂ©e du simple possible, apparaĂźt dĂ©sormais de maniĂšre Ă©clatante : le possible est toujours projetĂ© imaginairement dans le temps. Ce qui advient le dĂ©borde, le transforme et ne laisse souvent rien subsister de nos ambitions initiales. Il sâagit lĂ dâun constat sans appel. Un assujettissement catĂ©gorique qui, outre lâaspect dĂ©routant quâil adopte pour notre conscience commune, nous oblige Ă prendre en compte lâalternative du prĂ©visible et de lâinconcevable, celle du probable et de lâimpondĂ©rable⊠de lâordinaire et du prodige â en interrogeant dĂ©sormais les rĂšgles de droit qui commandent Ă la validitĂ© thĂ©orique de ces oppositions.
Jean-Philippe Pastor, Docteur en philosophie, ancien Ă©lĂšve de Cornelius Castoriadis, puis de Jacques Derrida Ă lâĂcole des Hautes Ătudes en Sciences Sociales (EHESS), prĂ©sente ici son nouveau travail : celui qui oppose lâintangible contradiction entre, dâune part, le devenir inattendu et, de lâautre, la temporalitĂ© du possible (Devenir et temporalitĂ©). SâintĂ©ressant prioritairement Ă une critique de la raison modale dans la pensĂ©e contemporaine â Ă savoir en quoi consistent les possibles logiques, puis « ontologiques » dans les mondes qui les conditionnent.