Le présent ouvrage offre un portrait contrasté et critique de l’offre de services en santé mentale au Québec en s’appuyant sur les données d’une recherche ethnographique portant sur l’expérience des personnes qui utilisent ces services. Afin de découvrir la manière dont l’identité du patient se transforme à travers le parcours de soins, l’auteure de ce livre a développé un cadre conceptuel (liant les théories « goffmanienne » et « foucaldienne ») lui permettant de comprendre comment les discours dominants et l’organisation concrète des services agissent sur l’expérience des sujets de sa recherche.
L’étude présentée ici montre que l’offre de services en santé mentale et connexes engendre chez les usagers des enjeux identitaires – qui passent par des contraintes structurelles qui occasionnent une transformation du rapport à soi, à l’autre et à la société. Ces contraintes résultent de relations de pouvoir sous-jacentes à l’organisation des services et se situant à l’extérieur de la vie quotidienne des usagers. Un continuum identitaire se développe au fil du parcours, aboutissant, à son extrême, à une identité « docile » qui correspond aux besoins de fonctionnalité de la structure et qui contribue au maintien de relations de pouvoir asymétriques, au détriment du mieux-être des personnes psychiatrisées. Celles-ci demeurent donc dans un état de marginalité institué.
Cet ouvrage se veut un outil de dénonciation des modalités de traitements destinés aux individus dont l’état mental est jugé déviant. Il s’adresse à tout lecteur concerné, qu’il le soit par sa fonction professionnelle ou par son statut d’aidant ou de pair, ou parce qu’il est lui-même psychiatrisé. L’auteure propose, entre autres vecteurs de changement, la réactualisation des approches d’intervention visant la conscientisation critique des personnes psychiatrisées, afin que ces dernières puissent contrer la modulation de soi engendrée par le dispositif de services en santé mentale et se réapproprier les dimensions multiples de leur pouvoir d’agir.
Katharine Larose-Hébert est titulaire d’une maîtrise et d’un doctorat en travail social de l’Université d’Ottawa. Depuis 2016, elle est professeure adjointe à l’École de travail social et de criminologie de l’Université Laval. Ses recherches portent sur l’offre de services et les pratiques d’intervention en santé mentale et auprès des populations marginalisées ainsi que sur les acteurs, les processus et les pratiques de judiciarisation et de déjudiciarisation de ces populations.