"Les chapitres du présent ouvrage résument des leçons faites à la Sorbonne durant l’hiver 1932-1933. Elles avaient pour auditeurs des jeunes gens que nous savons touchés et menacés par le désordre de la société où ils entrent. Ils ont raison de vouloir que demain ne ressemble pas à aujourd’hui ; mais d’autant nous sommes justifiés à souhaiter qu’après-demain ne recommence pas avant-hier. Jamais comme à notre époque il n’a été aussi facile, ni aussi dangereux, de s’habiller richement avec les laissés pour compte de la vérité. La question demeure donc de savoir si les maux que l’histoire a produits par la projection intempestive du passé — de tous les passés — dans le présent, il ne lui appartient pas d’y porter remède en redressant la perspective des mots et des choses. Le monde aurait été sauvé plus d’une fois si la qualité des âmes pouvait dispenser de la qualité des idées. Il est sans doute à regretter, il n’est assurément pas à méconnaître, que la première vertu soit d’ordre strictement intellectuel, qu’elle consiste à surmonter l’orgueil dogmatique d’où procèdent les privilèges imaginaires d’une personne ou d’un peuple, d’un culte ou d’une génération."
Léon Brunschvicg est le fondateur en 1893 de la Revue de métaphysique et de morale. Avec Henri Bergson, il s'annonça, dès 1897, comme l'un des philosophes français majeurs de la première moitié du xxe siècle.