« C'est en connaissance de cause qu'il avait décidé de devenir herbe folle au pays de la mauvaise herbe. Car, pendant des années, il avait lui aussi cassé des cailloux. C'était au Ministère de la Sainte Besogne. Enfin, peu importe le nom, l'enseigne, l'activité, le patron : l'individu salarié passe toujours son temps à casser des cailloux. Ce peut être des cailloux noirs, comme le charbon des mineurs, des cailloux blancs, comme les dossiers des bureaucrates, des cailloux gris, comme ceux des financiers ou des comptables. Mais quoi qu'il en soit, dans tous les cas on se salit. Le destin du salarié, c'est de se salir. Travailler pour le plaisir est une providence, travailler pour de l'argent est une prostitution. » Dans un univers industriel et bureaucratique, à la fois totalitaire et burlesque, la folie du pouvoir est partout, de même que la servitude volontaire des sujets : asservis comme des bêtes de somme, travaillant dans des bureaux ou des usines, ils sont des casseurs de cailloux au destin brisé. Un événement imprévu va bouleverser l'harmonie de ce régime soumis aux ordres d'un mystérieux empereur : un scandale idiot éclate au cœur de l'État et provoque une longue enquête débouchant sur une parodie de procès... Une révolution est-elle seulement possible ? Au-delà de cette dimension politique et sociale, l'intrigue loufoque et les aventures rocambolesques des personnages font apparaître la vie humaine comme une farce tragique où l'homme est un animal qui a peur de la liberté. Avec ce mélange délirant de Kafka et des Shadocks, Pascal Débrégeas joue la carte de l'absurde pour dresser un constat désespérément édifiant mais furieusement jouissif : un vrai régal !