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Les Habits noirs : Les Habits noirs I

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Paul FĂ©val (1816-1887)

"Il y avait une fois, au petit pays de Guebwiller, en Alsace, une famille Schwartz, qui Ă©tait bien honnĂȘte, et qui fournissait des Alsaciens Ă  l’univers entier. Les Alsaciens sont gĂ©nĂ©ralement bien vus dans le monde, et la famille Schwartz, soit sur commandes, soit d’office, plaçait ses petits avec faveur. Faveur est un mot de terroir ; il se prononce vafeur et acquiert une trĂšs suave harmonie en passant par une bouche sachant bien bĂąrler le vranzais.

La famille Schwartz florissait donc, croissant et multipliant avec une Ă©vangĂ©lique abondance, expĂ©diant ses couvĂ©es Ă  Paris, en province, Ă  l’étranger, et, nonobstant ses exportations continuelles, gardant toujours en magasin un stock imposant de petits Schwartz et de petites Schwartzesses prĂȘts et prĂȘtes pour l’emballage.

Pour le commerce, les sociĂ©tĂ©s chorales, la biĂšre et l’accent, nul pays ne peut rivaliser avec l’Alsace ! Un jeune Schwartz, conditionnĂ© avec soin et mĂ»r pour la conquĂȘte, rĂ©sume en lui seul toutes les vertus du Savoyard, du Provençal et de l’Auvergnat ; il possĂšde la proverbiale Ă©conomie du premier, l’aplomb vainqueur du second et la chevaleresque dĂ©licatesse du troisiĂšme. Aussi voyez : je vous mets au dĂ©fi de trouver en Europe une citĂ© de deux mille Ăąmes qui ne possĂšde au moins un Schwartz !

En 1825, il y en avait deux Ă  Caen : un commissaire de police aussi probe qu’habile et un pĂątissier suisse qui faisait honnĂȘtement sa fortune. Cette date de 1825, Ă  Caen, et le mot commissaire de police vont mettre tout d’un coup peut-ĂȘtre le lecteur sur la voie, et chacun devinera qu’il s’agit ici du fameux procĂšs Maynotte. Parmi les causes cĂ©lĂšbres, l’affaire Maynotte est une des plus curieuses et des moins connues.

Le 14 juin de cette mĂȘme annĂ©e 1825, un jeune Schwartz, un vrai Schwartz de Guebwiller, arriva Ă  Caen sur l’impĂ©riale de la diligence de Paris."

André Maynotte est victime d'une machination : il est accusé d'un vol et condamné. Il perd son honneur mais aussi sa femme Julie. Ne serait-il pas la victime de cette mystérieuse association de malfaiteurs, les "Habits noirs", qui sévit un peu partout ?