Gustave Aimard (1818-1883)
"Deux mois se sont Ă©coulĂ©s. Nous sommes dans le dĂ©sert. Devant nous se dĂ©roule lâimmensitĂ©. Quelle plume assez Ă©loquente oserait entreprendre de dĂ©crire ces incommensurables ocĂ©ans de verdure auxquels les AmĂ©ricains du Nord ont, dans leur langage imagĂ©, donnĂ© le nom poĂ©tique et mystĂ©rieux de Far West (Ouest lointain), câest-Ă -dire la rĂ©gion inconnue par excellence, aux aspects Ă la fois grandioses et saisissants, doux et terribles, prairies sans bornes, dans lesquelles on trouve cette flore riche, puissante, Ă©chevelĂ©e et dâune vigueur de production contre laquelle lâInde seule peut lutter ?
Ces plaines nâoffrent dâabord Ă lâĆil Ă©bloui du voyageur tĂ©mĂ©raire qui ose sây hasarder quâun vaste tapis de verdure Ă©maillĂ© de fleurs, sillonnĂ© par de larges riviĂšres, et paraissent dâune rĂ©gularitĂ© dĂ©sespĂ©rante, se confondant Ă lâhorizon avec lâazur du ciel.
Ce nâest que peu Ă peu, lorsque la vue sâhabitue Ă ce tableau, que, quittant lâensemble pour les dĂ©tails, on distingue çà et lĂ des collines assez Ă©levĂ©es, les bords escarpĂ©s des cours dâeau, enfin mille accidents imprĂ©vus qui rompent agrĂ©ablement cette monotonie dont le regard est dâabord attristĂ©, et que les hautes herbes et les gigantesques productions de la flore cachent complĂštement.
Comment Ă©numĂ©rer les produits de cette nature primitive, qui sâĂ©lancent, se heurtent, se croisent et sâentrelacent Ă lâinfini, dĂ©crivant des paraboles majestueuses, formant des arcades grandioses et complĂ©tant enfin le plus splendide et le plus sublime spectacle quâil soit donnĂ© Ă lâhomme dâadmirer par ses Ă©ternels contrastes et ses harmonies saisissantes ?"
Suite de "Le chercheur de pistes".
L'infernale poursuite continue...