« Par ailleurs, on constate quâAlbert Camus se sert de personnages aussi divers que variĂ©s : Meursault, Caligula, Don Juan, Jan, Nada, Kaliayev, Tarrou, Rieux, Clamence, Darou, Janine, Diego, Paneloux... On a tendance Ă penser quâils reprĂ©sentent une pluralitĂ© dâĂȘtres humains. Ă y regarder cependant de prĂšs, on se rend compte quâil sâagit dâun ĂȘtre humain unique, multiple et universel aux prises avec sa condition existentielle. Que ce soit Don Juan qui multiplie les occasions dâamour avec les femmes pour demeurer un peu plus dans ce plaisir qui nâest quâinstantanĂ© et passager ; que ce soit Caligula qui trouve lâexistence mensongĂšre et qui pour ĂȘtre heureux, a besoin de la lune ou de quelque chose qui soit dĂ©ment, mais qui nâest pas de ce monde ; que ce soit le docteur Rieux qui refuse un dieu sourd et muet devant lâinjustice, la misĂšre et la souffrance des innocents ; que ce soit le PĂšre Paneloux qui prĂȘchait que le mal Ă©tait la consĂ©quence du pĂ©chĂ© et qui donc nâavait pas rĂ©alisĂ© que la peste Ă©tait une affaire de tout le monde ; que ce soit Jan qui refuse un bonheur stupide qui consiste Ă Ă©prouver ce qui arrive et qui mourut sans avoir rĂ©alisĂ© que le bonheur de lâĂȘtre humain est plus dĂ©sirĂ© que possĂ©dĂ©. Que ce soit Meursault qui tue par hasard et qui nâest ni idiot ni intelligent ni innocent ni coupable et dont lâune des prĂ©occupations Ă©tait de savoir si lâĂȘtre humain pouvait Ă©chapper Ă la mĂ©canique du destin ; que ce soit Tarrou le brave humaniste et esthĂšte Ă la recherche dâune saintetĂ© sans dieu et qui se faisait lâhistorien de ce qui nâavait pas dâhistoire... On voit, Ă travers toutes ces figures antinomiques, une personne humaine Ă la recherche du bonheur, de son unitĂ© intĂ©rieure et Ă©tonnĂ©e de ce que la vie nâa pas de formule. Quand on a des dents, on nâa pas Ă manger et vice versa ! »