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L'imagiaire des eaux et des pierres

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Le principe pictopoĂ©tique tel que nous le dĂ©veloppons ici vient de Guillaume Apollinaire. La derniĂšre partie du recueil Alcools (1913), intitulĂ©e “Le Bestiaire ou CortĂšge d’OrphĂ©e” prĂ©sente trente images (qu’on appelle techniquement des bois) du dessinateur Raoul Dufy suivies chacune d’un titre et de quatre vers du poĂšte, en octosyllabiques ou en alexandrins. Cent ans plus tard, nous avons complexifiĂ© la dĂ©marche en rallongeant le bout rimĂ© Ă  deux petites pages et surtout en travaillant plus dynamiquement le titrage. Si Apollinaire commentait le lapin, l’image et la petite Ă©pigramme s’intitulaient tout simplement “Le lapin”, sans plus. Nous avons enrichi le jeu en lui insufflant une dimension plus alĂ©atoire et plus automatiste de dĂ©clencheur poĂ©tique. L’imagier prend la photo et l’intitule selon son inspiration mais en Ă©vitant sciemment les intitulĂ©s descriptifs univoques au profit de vrais titres, au sens fort. Ainsi une salamandre jaune et noire au fond d’une caverne ne s’intitulera pas “Salamandre jaune et noire au fond d’une caverne” mais “Douceur”. En procĂ©dant ainsi, en plus de fournir le crucial cadre visuel, mon imagier, qui est aussi un brillant Ă©crivain, avance d’un cran dans le projet poĂ©tique en formulant sans tergiverser la direction dĂ©terminante de ce que fera le poĂšme. Ajoutons que les connaissances spĂ©lĂ©ologiques, gĂ©ologiques, archĂ©ologiques et historiques manifestĂ©es et exprimĂ©es ici viennent aussi de l’imagier.

Ce troisiĂšme imagiaire fut pour moi l’occasion de m’adonner Ă  un autre exercice particuliĂšrement intĂ©ressant en poĂ©sie : faire le parolier. Plus qu’ailleurs, je me suis coulĂ© ici dans l’univers intĂ©rieur d’Allan Erwan Berger. Je me suis insinuĂ©, comme un discret mais dense flux verbal, dans son monde de spĂ©lĂ©ologie, de gĂ©ologie, d’archĂ©ologie, d’histoire locale, d’éco-tourisme international mĂȘme. Quand je dis « je », c’est Berger qui parle. Quand je dis « toi » c’est Ă  son amoureuse que je le dis. Je suis leur parolier et c’est ainsi que j’existe ici, sans complexe. J’adore faire ça. Il n’y a que Monsieur LaforĂȘt (souvenir de mon vieux pĂšre) qui est de moi ici... et un tout petit peu le chat Alaska aussi. Pour le reste c’est Berger qui vous parle de ses marottes, bien en selle sur son dada... Ă  tout le moins, c’est Berger tel que je l’ai imaginĂ© Ă  partir de ce puissant monde d’images qui a la profondeur et la densitĂ© du vrai et de l’étrange. L’exercice poĂ©tique fut donc ici aussi un bel exercice d’empathie. Le fait est que la caverne de Platon, comme celle de Berger, n’est plus vraiment la prison du savoir si on accepte sans prĂ©jugĂ© de s’y enfoncer jusqu’au col, mĂȘme indirectement... Telle fut ma tentative ici, sur images de vieilles pierres des vieux pays et souvenir sempiternel et universel des eaux.

Venez donc avec nous rĂȘver et rimailler, dans L’imagiaire des eaux et des pierres.

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