Sarah Bernhardt (1844-1923)
"Ma mĂšre adorait voyager. Elle allait dâEspagne en Angleterre ; de Londres Ă Paris ; de Paris Ă Berlin. De lĂ , Ă Christiania ; puis revenait mâembrasser et repartait pour la Hollande, son pays natal.
Elle envoyait Ă ma nourrice : des vĂȘtements pour elle, et des gĂąteaux pour moi.
Elle Ă©crivait Ă une de mes tantes : « Veille sur la petite Sarah, je reviendrai dans un mois. » Elle Ă©crivait Ă une autre de ses sĆurs, un mois aprĂšs : « Va voir lâenfant chez sa nourrice, je reviens dans quinze jours. »
Ma mĂšre avait dix-neuf ans, jâen avais trois ; et mes tantes avaient : lâune dix-sept ans, lâautre vingt ans. Une autre avait quinze ans, et lâaĂźnĂ©e vingt-huit ans ; mais cette derniĂšre habitait la Martinique et avait dĂ©jĂ six enfants.
Ma grandâmĂšre Ă©tait aveugle. Mon grand-pĂšre Ă©tait mort ; et mon pĂšre Ă©tait en Chine depuis deux ans. Pourquoi ? Je nâen sais rien.
Mes jeunes tantes promettaient de venir me voir, et ne tenaient guĂšre leur parole.
Ma nourrice était bretonne et habitait prÚs de Quimperlé une petite maison blanche, au toit de chaume trÚs bas, sur lequel poussaient des giroflées sauvages."
Sarah Bernhardt, la grande tragédienne du XIXe siÚcle, raconte, dans "ma double vie", son enfance, son adolescence, sa rencontre avec le théùtre, sans oublier ses frasques de femme indépendante, tout en restant secrÚte sur le cÎté intime... un vrai roman !