"Le premier dimanche du mois dâaoĂ»t 1815, Ă dix heures prĂ©cises, â comme tous les dimanches, â le sacristain de la paroisse de Sairmeuse sonna les "trois coups", qui annoncent aux fidĂšles que le prĂȘtre monte Ă lâautel pour la grand-messe.
LâĂ©glise Ă©tait plus dâĂ moitiĂ© pleine, et de tous cĂŽtĂ©s arrivaient en se hĂątant des groupes de paysans et de paysannes.
Les femmes Ă©taient en grande toilette, avec leurs fichus de cou bien tirĂ©s Ă quatre Ă©pingles, leurs jupes Ă larges rayures et leurs grandes coiffes blanches. Seulement, Ă©conomes autant que coquettes, elles allaient les pieds nus, tenant Ă la main leurs souliers, que respectueusement elles chaussaient avant dâentrer dans la maison de Dieu.
Les hommes, eux, nâentraient guĂšre.
Presque tous restaient Ă causer, assis sous le porche ou debout sur la place de lâĂ©glise, Ă lâombre des ormes sĂ©culaires.
Telle est la mode au hameau de Sairmeuse.
Les deux heures que les femmes consacrent Ă la priĂšre, les hommes les emploient Ă se communiquer les nouvelles, Ă discuter lâapparence ou le rendement des rĂ©coltes, enfin Ă Ă©baucher des marchĂ©s qui se terminent le verre Ă la main dans la grande salle de lâauberge du BĆuf couronnĂ©.
Pour les cultivateurs, Ă une lieue Ă la ronde, la messe du dimanche nâest guĂšre quâun prĂ©texte de rĂ©union, une sorte de bourse hebdomadaire.
Tous les curĂ©s qui se sont succĂ©dĂ© Ă Sairmeuse, ont essayĂ© de dissoudre ou du moins de transporter sur un autre point cette "foire scandaleuse" ; leurs efforts se sont brisĂ©s contre lâobstination campagnarde."
Suite Ă "l'enquĂȘte" (premiĂšre partie), nous faisons un saut dans le passĂ© des protagonistes et des antagonistes afin de comprendre le pourquoi de cette Ă©trange affaire...