⊠Cet ebook bĂ©nĂ©ficie dâune mise en page esthĂ©tique optimisĂ©e pour la lecture numĂ©rique. âŠ
« Bove a comme personne le sens du détail touchant. » - Samuel Beckett
Ce magnifique roman dâEmmanuel Bove nous plonge en pleine France occupĂ©e par les allemands oĂč lâon retrouve les milieux troubles de la collaboration et les incertitudes de l'Ă©poque. Ce dĂ©cor sert de derniĂšre toile de fond Ă une difficultĂ© d'ĂȘtre qui n'aura cessĂ© dâhabiter cet auteur qui sâest attachĂ© Ă dĂ©crire, ici comme dans toute son oeuvre, la situation impossible de lâhomme, pris au piĂšge dâun monde qui lâasphyxie, emportĂ© par une vie de souffrance et de turpitudes.
Ăcrit sous lâoccupation et publiĂ© post-mortem en 1946, ce texte puissant nous amĂšne subtilement Ă des rĂ©flexions intĂ©rieures sur la solitude, la mort et la notion de libertĂ©.
Il est la suite du roman DĂ©part dans la nuit mais peut se lire indĂ©pendamment car lâaction dĂ©bute juste Ă lâarrivĂ©e du personnage principal en France, soit Ă la fin du premier livre qui lui raconte la fuite de douze prisonniers de guerre dâun camp allemand et leur terrible voyage pour rejoindre la mĂšre patrie.
EXTRAIT : « Une semaine sâĂ©tait dĂ©jĂ Ă©coulĂ©e depuis mon arrivĂ©e Ă Paris.
Je suivais le boulevard de Courcelles, me dirigeant vers les Ternes. Il Ă©tait dĂ©sert. Je ne mâĂ©tais jamais rendu compte comme cette aprĂšs-midi-lĂ combien, depuis lâoccupation, la famille, lâamitiĂ©, le fait de se trouver dans sa ville natale, avaient perdu de leur importance. Jadis, dans une situation difficile, il y eut eu mille possibilitĂ©s pour moi de me tirer dâaffaire, de me crĂ©er de nouveaux amis, de me loger, de trouver des appuis, des secours. Mais, dans la dĂ©tresse prĂ©sente, plus rien ne comptait, ni les recommandations, ni les garanties, ni mĂȘme la parentĂ©. Tout le monde Ă©tait sur ses gardes. Je venais de mâen apercevoir. Je sentis un vide affreux. Jâavais vu beaucoup de mes amis. Mais il suffisait que je retournasse chez eux pour quâils devinssent plus froids Ă mon Ă©gard.
OĂč aller ? Dans les rĂ©cits de la RĂ©volution on lit que les fugitifs rassemblent de la paille, se font des litiĂšres dans des kiosques Ă musique ou bien vont coucher dans les bois de Meudon, mais, aujourdâhui, cela nâĂ©tait plus possible.
Je regardais les Allemands que je rencontrais. Certains Ă©taient accompagnĂ©s de femmes que jâavais peine Ă mâimaginer se donnant Ă eux tellement elles avaient un air dur. Comme personne ne faisait attention Ă eux, ils avaient adoptĂ© une attitude invariable avec tout le monde, qui Ă©tait de paraĂźtre se croire seuls au monde. »