Omar Khayyam pratique, en toute sérénité d’âme, « l’indifférence à la foi et au doute ». Ni l’étude, ni le raisonnement, ni l’intuition ne peuvent nous éclairer, et l’impuissance est égale de ceux qui par la science ou par la religion espèrent résoudre l’énigme de ce monde. Nous n’atteignons à aucune vérité et il n’est pas de bonheur ou de châtiment supraterrestre. Entre les deux néants qui la limitent, la vie n’est que le temps d’une respiration. Sachons en tirer des joies précaires. Le vin, l’amour des femmes, la lune sur les terrasses, la flûte de l’Irak dans les vergers, le vent frais du matin, les roses à peine écloses, voilà la seule réalité de nos jours qui passent comme un songe. Après l’Ecclésiaste, il nous répète de cent façons « Tout est vanité et poursuite du vent, » mais il ajoute : « Réjouis-toi dans le présent : c’est là le but de la vie. » La pénétration de la pensée, son aigu, la qualité cristalline de la forme, la richesse contenue des images, l’absence de toute amplification lyrique, mettent Omar Khayyam au rang des plus rares poètes.