Jules Verne (1828-1905)
"La belle saison arriva dĂšs la seconde semaine dâoctobre. Ce mois est le premier du printemps de la zone mĂ©ridionale. Lâhiver nâavait pas Ă©tĂ© trĂšs rigoureux sous cette latitude du dix-neuviĂšme degrĂ© entre lâĂquateur et le tropique du Capricorne. Les hĂŽtes de la Nouvelle-Suisse allaient pouvoir reprendre leurs travaux accoutumĂ©s.
AprĂšs onze ans passĂ©s sur cette terre, ce nâĂ©tait pas trop tĂŽt de chercher Ă reconnaĂźtre si elle appartenait Ă lâun des continents que baigne lâocĂ©an Indien, ou si les gĂ©ographes devaient la comprendre parmi les Ăźles de ces parages.
Sans doute, depuis que la jeune Anglaise avait Ă©tĂ© recueillie par Fritz sur la Roche-Fumante, M. Zermatt, sa femme, ses quatre fils et Jenny Montrose Ă©taient aussi heureux quâon peut lâĂȘtre. Il est vrai, les craintes de lâavenir et ses chances si improbables que le salut vĂźnt du dehors, le souvenir du pays, le besoin de reprendre contact avec lâhumanitĂ©, se faisaient parfois sentir, et nâest-ce pas une loi de nature qui sâimpose Ă toute crĂ©ature humaine ?
Donc, ce jour-lĂ , de bon matin, M. Zermatt, traversant lâenclos de Felsenheim, se promenait sur la rive du ruisseau des Chacals. Fritz et Jack lây avaient devancĂ©, munis de leurs engins de pĂȘche. François ne tarda pas Ă les rejoindre. Quant Ă Ernest, toujours peu matinal, ne dĂ©testant pas de rester quelques instants de plus entre les draps, il nâavait pas encore quittĂ© son lit.
Mme Zermatt et Jenny vaquaient en ce moment Ă quelques occupations de lâintĂ©rieur.
« PÚre, dit Jack, voici une belle journée qui se prépare..."
La famille Zermatt est naufragée, depuis 11 ans, sur une ßle qu'elle a appelée la Nouvelle-Suisse. M. et Mme Zermatt, leurs quatre fils (Fritz, Jack, Ernest et François), ainsi que Jenny (naufragée sur une autre ßle et recueillie par les Zermatt), en ont fait un petit paradis ; mais ils espÚrent toujours l'arrivée d'un navire...
Jules Verne a imaginé une suite au roman "Le robinson suisse" de Johann David Wyss.