Culture ou civilisation, quelle différence ? L'indistinction entre les deux notions est aujourd'hui totale ou presque dans la plupart des usages. L'opinion populaire est d'ailleurs invitée à les confondre par les savants et les intellectuels qui ont fini par en effacer théoriquement les frontières, se satisfaisant d'une équivalence pourtant douteuse. Soutenir que la civilisation n'est pas culturelle et que réciproquement la culture n'est pas civilisatrice, c'est donc dorénavant une proposition inintelligible : telle est pourtant la thèse que défend le présent ouvrage, sur le mode philosophique. Car il ne suffit pas de déclasser hors culture les mille et une conduites de l'humanité qui sont à tort qualifiées de culturelles : encore faut-il leur rendre une détermination précise. Le concept repensé de civilisation peut y aider, en ce qu'il fait voir la nature également civilisatrice des éléments de la vie sociale : coutume, morale, politique sont autant de règles organisatrices qui, fonctionnant ensemble chacune à leur niveau, ne contribuent pas à cultiver l'individu précisément parce qu'elles civilisent les peuples. Inversement, et contrairement à un préjugé tenace, celui qui se cultive ne se socialise pas pour autant.