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Teverino

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George Sand (1804-1876)

"Exact au rendez-vous, LĂ©once quitta, avant le jour, l’HĂŽtel des Étrangers, et le soleil n’était pas levĂ© lorsqu’il entra dans l’allĂ©e tournante et ombragĂ©e de la villa : les roues lĂ©gĂšres de sa jolie voiture allemande tracĂšrent Ă  peine leur empreinte sur le sable fin qui amortissait Ă©galement le bruit des pas de ses chevaux superbes. Mais il craignit d’avoir Ă©tĂ© trop matinal, en remarquant qu’aucune trace du mĂȘme genre n’avait prĂ©cĂ©dĂ© la sienne, et qu’un silence profond rĂ©gnait encore dans la demeure de l’élĂ©gante lady.

Il mit pied Ă  terre devant le perron ornĂ© de fleurs, ordonna Ă  son jockey de conduire la voiture dans la cour, et, aprĂšs s’ĂȘtre assurĂ© que les portes de cristal Ă  chĂąssis dorĂ©s du rez-de-chaussĂ©e Ă©taient encore closes, il s’avança sous la fenĂȘtre de Sabina, et fredonna Ă  demi-voix l’air du Barbier :

Ecco ridente il cielo, -

GiĂ  spunta la bella aurora... -

... E puoi dormir cosi ?

Peu d’instants aprĂšs la fenĂȘtre s’ouvrit, et Sabina, enveloppĂ©e d’un burnous de cachemire blanc, souleva un coin de la tendine et lui parla ainsi d’un air affectueusement nonchalant :

– Je vois, mon ami, que vous n’avez pas reçu mon billet d’hier soir, et que vous ne savez pas ce qui nous arrive. La duchesse a des vapeurs et ne permet point Ă  ses amants de se promener sans elle. La marquise doit avoir eu une querelle de mĂ©nage, car elle se dit malade. Le comte l’est pour tout de bon ; le docteur a affaire, si bien que tout le monde me manque de parole et me prie de remettre Ă  la semaine prochaine notre projet de promenade."

Sabina est mariée à un lord anglais et s'ennuie. Léonce, un ami de longue date, propose de la distraire lors d'une excursion dont il sera le maßtre d'oeuvre. Au hasard des chemins, ils sont rejoints par un curé, une fillette charmeuse d'oiseaux, puis d'un étrange personnage : Teverino...