Georges Bernanos (1888-1948)
"â Qui va lĂ ? Câest toi, PhĂ©mie ?
Mais il Ă©tait peu probable que la sonneuse vĂźnt si tard au presbytĂšre. Sous la fenĂȘtre, le regard anxieux de la vieille bonne ne pouvait guĂšre voir plus loin que le premier tournant de lâallĂ©e ; le petit jardin se perdait au-delĂ , dans les tĂ©nĂšbres.
â Câest-i vous, PhĂ©mie ! reprit-elle sans conviction, dâune voix maintenant tout Ă fait tremblante.
Elle nâosait plus fermer la fenĂȘtre, et pourtant le sourd roulement du vent au fond de la vallĂ©e grandissant de minute en minute comme chaque soir, ne sâapaiserait quâavec les premiers brouillards de lâaube. Mais elle redoutait plus que la nuit lâodeur fade de cette maison solitaire pleine des souvenirs dâun mort. Un long moment, ses deux mains restĂšrent crispĂ©es sur le montant de la fenĂȘtre ; elle dut faire effort pour les desserrer. Comme ses doigts sâattardaient encore sur lâespagnolette, elle poussa un cri de terreur.
â Dieu ! que vous mâavez fait crainte. Par oĂč que vous ĂȘtes montĂ©e, sans plus de bruit quâune belette, mamsâelle PhĂ©mie ?
La fille répondit en riant :
â Ben, par le lavoir, donc. DrĂŽle de gardienne que vous faites, sans reproche, mademoiselle CĂ©leste ! On entre ici comme dans le moulin du pĂšre Anselme, parole dâhonneur.
Sans attendre la rĂ©ponse, elle prit une tasse sur lâĂ©tagĂšre et se mit tranquillement en demeure de la remplir de geniĂšvre."
En pleine nuit, le nouveau curĂ© de MĂ©gĂšre, un petit village de Provence, arrive au presbytĂšre. Il est accueilli par Mme CĂ©leste. Mais cette mĂȘme nuit, le jeune desservant entend des coups de feu et des appels Ă l'aide. L'alerte est donnĂ©e et les recherches aboutissent Ă la dĂ©couverte, dans le jardin du chĂąteau, d'un inconnu agonisant...