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Web voyage

E-book


C’est le choc. JĂ©rĂ©mie vient de perdre son ordinateur portable dans un train de banlieue. Furtif effondrement d’un monde. Avalanche feutrĂ©e. Petit arrachement ordinaire tĂ©moignant de l’importance de nos objets du quotidien, de nos contenants usuels. Parce qu’un ordinateur, ça contient, ça enveloppe, ça dĂ©finit nos pourtours. C’est devenu le portefeuille, le cartable, le fond de la poche. Et le fond d’une poche qui se vide en tintant cruellement, ça fait toujours trĂšs mal. Comment peut-on oser priver quelqu’un de ses archives, de sa mĂ©moire ?! On est quasiment dans le domaine du crime. Qu’est-ce que ça fait mal ! Qu’est-ce qu’on te comprend profondĂ©ment, pauvre JĂ©rĂ©mie qui crie dans le vide!

Web voyage est le roman d'un homme perdu qui devra affronter l’absence quasi totale d’empathie de ses proches. Ces derniers accusent mollement le coup de cette terrible catastrophe. Ils le font avec le dĂ©tachement d’un glacier devant les skieurs. La conjointe de JĂ©rĂ©mie, Delphine, et son vieil ami de toujours, Zen, la prennent tous les deux de haut, cette terrible perte. Perte, non, c’est pas une perte, arrĂȘte ! Y a pas mort d’homme, c’est un objet. Ils n’ont rien vu. Ils n’ont pas compris. Ils n’ont pas saisi qu’une fois l’ordi portable escamotĂ©, plus rien ne se passe. L’existence est arrĂȘtĂ©e et cette existence arrĂȘtĂ©e, eh bien la narration la marque de son burin, la lacĂšre dans ses errances. Car une fois l’ordi disparu, il ne se passe plus grand-chose de factuel. Il ne se passe rien, en somme. JĂ©rĂ©mie, chĂŽmeur de son Ă©tat, cherche son ordi. C’est lĂ  un objectif finalisĂ© dont on devrait n’attendre rien d’autre qu’un rĂ©sultat clair. Et c’est ici que dĂ©bute le Web voyage, quand la dĂ©cision rageuse et froide est finalement prise de bien faire payer le rĂ©el pour ce que le passage au virtuel nous a imposĂ© de virulent et d’horripilant, sans qu’on en veuille.

Ce roman devait fatalement finir par arriver. L’intĂ©gralitĂ© de notre culture ordinaire l’attendait. L’ordi, ce cher ordi, de plus en plus petit, de plus en plus secret et intime, ne pouvait pas entrer aussi profondĂ©ment dans nos vies sans qu’un tel dĂ©sarroi, qu’une telle dĂ©pendance cognitive et affective ne finissent par lui ĂȘtre solidement chevillĂ©s.

EXTRAIT À LIRE SUR LE SITE DE L'ÉDITEUR