Still lost in translation

Freud. Encore une fois ! Avec conviction. Et non sans plaisir - compliquĂ©, et contradictoire parce qu’humain, le seul possible ainsi que l’apprend l’Ɠuvre de Freud. Aucun clinicien, psychanalyste ou non, ne devrait prĂ©tendre se passer de cette Ɠuvre, peu Ă  la mode. Car Freud n’a cessĂ© de questionner la chose Ă  laquelle ce clinicien est confrontĂ© chaque jour, du moins s’il se le permet au lieu de formater ses rencontres : la Lust et l’Unlust, Ă©prouvĂ©es par un sujet dont le fonctionnement psychique ne saurait ĂȘtre rĂ©duit Ă  ses seuls aspects Ă©conomiques. Il faut donc restituer celles-ci entiĂšrement, en rĂ©sistant Ă  tout rĂ©ductionnisme naturaliste. Freud, hĂ©ritier paradoxal de la modernitĂ© inaugurĂ©e par Descartes, a en effet dĂ» se rendre Ă  l’évidence : le sujet n’est pas « maĂźtre et possesseur » de lui-mĂȘme, et il faut bien qu’il le supporte, n’en dĂ©plaise aux tenants actuels du pragmatisme technique. Par ailleurs, s’il faut passer par Freud, c’est pour s'en passer, Ă  certains Ă©gards. Qui bene amat, castigat. Freud est un auteur qui mĂ©ritĂ© d’ĂȘtre contredit et questionnĂ©. Et l’on ne saurait s’approprier son Ɠuvre de maniĂšre durable sans traduction. Celle-ci est entreprise ici Ă  partir des Ɠuvres de Michel Foucault, qui s’oppose Ă  la trop Ă©vidente vĂ©ritĂ© sexuelle du sujet, et de Jean Gagnepain, qui permet en outre de formuler une authentique axiologie, dĂ©lestĂ©e de ses prĂ©supposĂ©s freudiens, trop sociocentriques. Aussi, ce livre est-il Ă  prendre pour le premier tome d’une sĂ©rie intitulĂ©e Still lost in translation, consacrĂ©e Ă  une relecture de l’ƒdipe tyran de Sophocle. La vĂ©ritĂ© du hĂ©ros tragique, trĂšs diffĂ©rent de l’ƒdipe freudien, apparaĂźt dans l’exercice du pouvoir par un hĂ©ros Ă©phĂ©mĂšre, mortel, instituĂ© Ă  la maniĂšre du « tyrannos » antique, et appelĂ© Ă  sauver la citĂ© d’une injustice en se perdant lui-mĂȘme.