Un recueil de textes littéraires sur le tour de France. Huitième merveille du monde ?
Et si le Tour de France était la huitième merveille du monde ? Un monument, certes, mais vivant, mobile (ô combien), une installation — pour user du jargon esthétique contemporain — qui convoque un pays, le plus légendaire qui soit, et le met à contribution comme décor et protagoniste d’une épopée sans pareille ?
Découvrez le numéro 279 de la revue Marginales, la voix de la littérature belge dans le concert social. Sous la direction de Jacques De Decker.
EXTRAIT De Le fauteuil par Véronique Biefnot
Ses longs cheveux, lavés de frais, lui descendent à la taille, plus bas peut-être, difficile à dire tant qu’elle est assise.
Les mains aux doigts entrecroisés sagement posées sur les genoux, elle est parfaitement immobile. Seuls ses deux pouces, infatigablement, se caressent, se contournent, se tournent autour, rotation constante, tranquille.
Est-ce une prière ? Une façon de mesurer le temps qui passe en fractions de seconde, en quarts de tour de pouce ? Est-ce un moyen de vérifier si la vie s’écoule toujours à travers ses veines bleues, noueuses, affleurant la peau si fine ? Sans doute juste une habitude, une manie, un rassurant chapelet intime égrainé calmement.
Ses yeux gris-bleu, clairs, presque délavés, presque transparents, clignotent rapidement, papillons affolés à la clarté d’une flamme.
La lumière la fatigue, alors, elle baisse les paupières.
Elle dort ?
Non, je crois qu’elle se concentre, qu’elle visualise mentalement les heures qui vont suivre, je crois qu’elle s’y prépare.
Là, elle est assise, bien droite, sur une chaise de cuisine en bois blanc, le dos légèrement décalé du dossier. C’est ainsi qu’elle doit se tenir, bien sage, quand sa fille tresse sa longue chevelure immaculée. La natte obtenue est si fine qu’une fois entortillée avec une application impatiente, elle ne forme plus qu’un tout petit chignon blanc, douloureux, piqueté d’épingles, juché haut sur le sommet du crâne pour ne pas se décoiffer dans son sommeil, et qui y restera, vaille que vaille, jusqu’au prochain shampoing.