Ponson du Terrail (1829-1871)
"Un soir, vers quatre heures, une chaise de poste roulait au grand trot sur une route du Nivernais.
C’était pendant l’automne de l’année 184., c’est-à-dire vers la fin du mois d’octobre. À cette saison, rien n’est splendidement beau comme le centre de la France, et surtout cette partie du Nivernais qui touche au département de l’Yonne et fait partie de l’arrondissement de Clamecy.
Les pâturages passent alors du vert sombre de l’été au vert plus tendre et presque jaune qui annonce les gelées prochaines. Les bois commencent à se dépouiller, et ces grands peupliers mélancoliques qui bordent le canal et la rivière d’Yonne s’inclinent au souffle des premières bises.
Cependant l’air est tiède encore, et le ciel sans nuages ; à peine, au matin, une brume diaphane couvre-t-elle les prés et les marécages pour s’évanouir au lever du soleil ; tandis que, vers le soir, elle redescend lentement du sommet des collines et s’allonge dans les vallées transparentes et dorées par les derniers rayons du couchant.
La chaise de poste dont nous parlons, traversait en ce moment un des sites les plus pittoresques et les plus sauvages de ce beau pays, – une vallée au fond de laquelle couraient en méandres infinis et côte à côte : la rivière, – œuvre de Dieu, – le canal, – œuvre des hommes.
La vallée était encaissée par deux chaînes de collines couvertes de bois, ces bois immenses qui touchent au Morvan ! Çà et là, du milieu des roches moussues et des arbres verts dont l’eau baignait les dernières racines, on voyait surgir un clocher rustique, une église toiturée en ardoises, un village où le chaume dominait la tuile ; parfois une de ces belles ruines féodales respectées par hasard en 1793, et dont l’âpre bande noire ignore encore l’existence. La grande route allongeait son ruban bleuâtre au bord du canal, côtoyant les maisonnettes des éclusiers et passant au bas des villages, presque tous étagés à mi-côte au milieu d’un fouillis de chênes et de vignes, avec une verte ceinture de prés."
Quatre années se sont écoulées depuis "L'héritage mystérieux", quatre années de bonheur pour tous. Andrea réapparaît ; il s'est repenti de ses actions criminelles passées et obtient la confiance de son frère Armand. Il devient le chef de la police secrète de ce dernier. Pendant ce temps, une mystérieuse association de malfaiteurs, commandée par Rocambole, sévit...
Tome I