Dans ce quatriÚme tome de «La Recherche du Temps Perdu», les jeunes filles en fleurs sont bien loin. Sodome et Gomorrhe, villes bibliques détruites par Dieu, servent de mise en garde pour les infidÚles immoraux.
Un soir, le narrateur surprend une discussion entre Charlus et Jupien, et peu aprĂšs, leurs Ă©bats. DĂšs lors, l'homosexualitĂ© imprĂšgne ses rĂ©flexions. Il fait l'observation d'une sociĂ©tĂ© qui traque et rejette les homosexuels, tel les juifs lors de l'affaire Dreyfus. AprĂšs de longues soirĂ©es de considĂ©ration, le narrateur poursuit son voyage Ă Balbec. LĂ , il repense Ă sa grand-mĂšre dĂ©cĂ©dĂ©e, et surtout Ă Albertine, aux «intermittences du cĆur». TantĂŽt amoureux d'elle, tantĂŽt indiffĂ©rent Ă son sourire, le narrateur est inquiet des inclinaisons amoureuses d'Albertine. Aime-t-elle les femmes plus qu'elle n'aime les hommes?
Marcel Proust, d'une plume passionnĂ©e, dresse le portrait des exclus accusĂ©s de toutes les tares,« jusque-lĂ obligĂ©s de cacher leur vie, de dĂ©tourner leurs regards dâoĂč ils voudraient se fixer, de les fixer sur ce dont ils voudraient se dĂ©tourner, de changer le genre de bien des adjectifs dans leur vocabulaire, contrainte sociale lĂ©gĂšre auprĂšs de la contrainte intĂ©rieure que leur vice, ou ce quâon nomme improprement ainsi, leur impose non plus Ă lâĂ©gard des autres mais dâeux-mĂȘmes, et de façon quâĂ eux-mĂȘmes il ne leur paraisse pas un vice.»
Marcel Proust (1871-1922) est sans doute lâun des auteurs le plus connu de son temps. NĂ© Ă Paris, il souffre de graves problĂšmes respiratoires. PossĂ©dant une grande fortune, il en profite dĂšs sa jeunesse pour cĂŽtoyer les salons littĂ©raires. Un grand intĂ©rĂȘt pour lâĂ©criture le saisit, et il sây consacre pleinement. Il publie des poĂšmes et entame la rĂ©daction dâune Ćuvre quâil ne continuera pas. Câest seulement en 1907 quâil commence Ă Ă©crire son chef-d'Ćuvre romanesque «A la Recherche du Temps Perdu», avec le premier roman «Du CĂŽtĂ© de Chez Swann». Les cinq autres tomes sont publiĂ©s entre 1919 et 1927. Câest lĂ un thĂ©Ăątre social avec plus de deux cents personnages, et une large rĂ©flexion sur la mĂ©moire. Mais les thĂšmes restent vastes, et parmi les plus saisissants on y trouve lâhomosexualitĂ© â Proust est lâun des premiers romanciers Ă aborder le sujet.