AGENT DE L’O.M.U. Un roman fanique d’André Borie CHAPITRE III : OSILAX L’ÉNIGMATIQUE Section 3C L’étanchéité de la coque était parfaite, les moteurs répondaient à la moindre sollicitation, et la batterie de tests de fiabilité des instruments suivait son cours normal. De temps à autre, l’intercom donnait des nouvelles des trois modernes Nemrods, ce qui rendait un peu de sa sérénité à Masas. Elle savait qu’ils avaient abattu une espèce d’antilope, qui, comme ses congénères terrestres, possédait deux gigots qui seraient sans doute excellents à la broche ! Stev s’étira longuement pour décontracter ses muscles dorsaux endoloris, et soupira : – Je ne suis pas mécontent que nos essais soient terminés. Nous avons fait du bon travail. La seule chose qui m’embête, c’est que nous n’ayons pas réussi à régler parfaitement les kalups, et qu’il faudra donc rentrer à la maison en plusieurs étapes, sinon nous courons le risque de les voir voler en éclat, et dans ce cas, à un peu moins que la vitesse luminique, il nous faudra au moins deux existences pour rallier Arkonis ! – Tu as raison. et j’étais, malheureusement, arrivée à la même conclusion, approuva Masas en effectuant quelques mouvements d’assouplissement. – Dans quelques minutes on remet le cap sur Osilax, et dans moins d’une heure, on est installé devant un cuissot d’antilope osilaxienne cuit à point. La réflexion du pilote provoqua une véritable décharge électrique dans le corps de la jeune femme qui se leva d’un bond et se précipita sur l’intercom. – Bon Dieu ! Cela fait une éternité qu’ils n’ont pas appelé ! – Mais c’est vrai ça ! Avec tous les essais qu’on vient d’effectuer, je les avais complètement oubliés ! Masas lança un appel qui n’apporta aucune réponse. Elle récidiva à plusieurs reprises d’une voix de plus en plus angoissée. Mais le récepteur resta désespérément muet. – Il leur est arrivé quelque chose ! – Leur minicom est peut-être en panne, suggéra Stev d’un ton peu convaincu. – Ridicule ! Ils ont chacun le leur ! Mais déjà le pilote s’était laissé tomber sur son siège-contour, et ses doigts volaient sur les touches de programmation. Le petit vaisseau se cabra et entama son retour vers la planète moribonde. Pendant tout le trajet de retour, Masas poursuivit ses appels, mais toujours en vain. – Tu vois, j’avais raison de ne pas être séduite par leur idée de chasse ! Je me demande bien ce qui a pu leur arriver. – Sans doute rien de grave... Je suis sûr qu’il y a une bonne raison à leur silence, et que lorsque nous la connaîtrons, nous rirons de notre inquiétude actuelle. – Alors, tu avoues donc que tu es aussi inquiet que moi ? Stev se contenta d’un grognement en réponse à sa question. Quelques minutes plus tard, le petit vaisseau se posait à proximité du campement, et il fallut bien se rendre à l’évidence : leurs trois compagnons n’étaient pas là. – J’ai peur que nous attendions un moment notre cuissot d’antilope, marmonna le jeune homme en constatant leur absence. Masas, qui avait eu largement le temps de reprendre son sang froid pendant la descente vertigineuse du vaisseau, entra l’enregistrement des conversations avec Goral dans le cerveau électronique, afin de déterminer les différents emplacements d’où elles avaient été émises. – Leur dernier message provient d’ici, signala-t-elle à Stev en lui désignant un point précis de la forêt qui apparaissait sur la carte panoramique de l’écran. – Très bien, le temps de nous équiper et d’activer les défenses automatiques du vaisseau, et on peut y aller. Dix minutes plus tard, engoncés dans leur combinaison de combat, les propulseurs dorsaux anti-g les maintenant à cinq ou six mètres du sol, ils prirent la direction de la forêt. Il leur fallut peu de temps pour atteindre l’endroit où se trouvaient les chasseurs lors de leur dernier contact phonique. Contrairement à la région en général, la végétation n’y était pas très dense, et laissait apercevoir des surfaces herbeuses que sillonnaient des sentes dues vraisemblablement au passage des animaux. Mais pas la moindre trace des trois hommes. – Nous allons effectuer des cercles de plus en plus larges en partant de ce point comme centre. S’ils n’ont pas disparu sous terre, nous devrions immanquablement les retrouver. – Puisses-tu dire vrai ! s’exclama Stev dont l’optimisme primitif commençait sérieusement à être atteint. Très inquiète sur le sort de leurs compagnons et se sentant coupable de leur disparition, dans la mesure où elle n’aurait jamais dû leur donner son accord pour cette partie de chasse, Masas entama une spirale dans les airs, tout en essayant, en pure perte, d’obtenir un contact phonique. Alternant les appels, ils effectuèrent des cercles de plus en plus large autour du point central qu’ils s’étaient choisi. Régulièrement, ils traversaient les frondaisons et rejoignaient le sous-bois, mais celui-ci se révélait bien sombre, les obligeant à utiliser la lampe frontale du casque de leur combinaison de combat. De temps à autre, dans leur progression, ils dérangeaient des animaux, pour la plupart de petite taille et semblables à de gros lièvres cornus, qui se lançaient dans une fuite éperdue, troublés par ces lumières qui les changeaient du clair-obscur habituel de leur habitat. Soudain, Stev appela : – Masas ? Viens me rejoindre, je crois que j’ai quelque chose. Moins de deux minutes plus tard, elle le rejoignait et s’agenouillait à son tour à ses côtés. – Tu vois ? L’herbe est écrasée, et on voit trois traces parallèles. Un peu comme si quelque chose ou quelqu’un... avait été traîné par terre. – Tu as raison. mais on ne voit aucune trace de lutte ou de sang. – C’est vrai, mais pour l’instant, c’est notre premier indice. – Essayons de voir si nous pouvons suivre ces traces. Pendant quelques centaines de mètres, le triple sillon fut visible, mais il disparut quand l’herbe fit place à un entrelacs de racines et de caillasse. – C’est quand même un comble ! Tout le terrain où nous avons posés le vaisseau est constitué d’une épaisseur de sable de quinze centimètres, et ici, dans cette foutue forêt, il y a de la roche et des cailloux ! Bien malin celui qui pourrait dire où continue notre piste. – Comme nous n’en savons rien, on va continuer dans la même direction. Ce terrain rocailleux ne va pas durer, et logiquement, nous devrions retrouver nos traces. Bloquant son compas dans le sens indiqué, Masas reprit son vol, à un mètre du sol, les yeux rivés sur le terrain qui défilait sous son ventre. La partie sablonneuse fit son apparition à la sortie de la forêt, mais aucune trace n’apparut sur la surface vierge, à son grand dam. – Pfff ! Pas la moindre empreinte sur ce sable fin. Je me demande vraiment où ils sont passés. Plus le temps passe, et plus nos chances de les récupérer en bonne santé s’amenuisent. – D’autant plus qu’il commence à faire nuit, et qu’il va falloir abandonner nos recherches jusqu’à demain matin. – Cela , c’est hors de question ! D’ailleurs, sous les arbres, nous sommes obligés de nous servir de nos lampes même en plein jour, donc nous continuerons avec nos projecteurs individuels qui devraient nous donner un éclairage plus puissant. Stev, l’air sceptique, approuva cependant la décision de la jeune femme. Deux heures durant, ils s’évertuèrent à retrouver les traces qui devaient – du moins l’espéraient-ils ! – les conduire à leurs amis. En vain. Masas dut se rendre à l’évidence : cette nuit, ils ne pourraient rien faire de plus. La mort dans l’âme, ils regagnèrent le Coeur de Fomalhaut pour y prendre quelque repos, et attendre l’aube afin de reprendre leurs recherches.