Les premiers mots de la Genèse sont célèbres : « Et la lumière fut. » Et avec eux, la vue d’émerger comme le sens primordial. L’ouïe l’est néanmoins tout autant… Alors, quand après des années passées à assister à l’effritement de ses oreilles, quand après l’impossibilité à lire le monde avec cet organe précieux, Frédérique Granier recouvra une partie de son audition, ce fut aussi comme un miracle, si bien qu’elle aurait pu placer ces mots en exergue de son texte : « Et le bruit fut. » Cela grâce à quelques grammes de technologie, à un implant cochléaire qui lui fit redécouvrir les infinités de sons, bruissements, tempi et chuchotis qui nous entourent, qui font du monde une immense machine musicale à savourer constamment… A votre tour, entendez son témoignage. Mal entendre génère le retranchement de l’être du monde et de la société, de l’environnement et de ses proches. Ne pas pouvoir percevoir les sons du quotidien, la voix des proches ou les attachants bavardages crée des hiatus, une discommunication, l’abysse intérieur. Ce à quoi Frédérique ne s’est jamais résignée, guettant patiemment les avancées des techniques médicales. Ainsi, malgré la souffrance qui peut s’énoncer à travers certains passages, l’espoir et le désir, presque fiévreux, de réentendre demeurent les forces qui animent ces pages. C’est bien la quête de toutes les musiques, l’envie de ressentir tous les rythmes qui habitent cette relation d’un parcours hors du commun, où les mots se font plus que jamais matière sonore, vivante, mélodieuse.