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Le Dieu qui vit dans l'espace

Livre audio


Vincent Cuomo

Le Dieu qui vit dans l'espace

Cela faisait vingt minutes que Johan était assis sur le seul banc laissé libre par les clochards et autres drogués. L'image qu'il avait du centre ville, en plein jour qui plus est, n'allait pas s'améliorer par le tableau qui s'offrait à ses yeux bruns.

Heureusement, elle était là, majestueuse, dominant la place de par sa beauté et son allure grandiose… La cathédrale… Cela faisait des années qu'il n'y avait plus mis les pieds ! A vrai dire, il n'était pas certain qu'elle serait ouverte en journée au vu de la racaille qui vagabondait aux alentours !

Il avait du mal à quitter sa position assise pour rentrer dans la demeure du Seigneur. Il faisait en effet partie de ces gens qui demandaient l'aide du grand manitou quand ça les arrangeait… Pas sûr que ce dernier apprécie cette façon de procéder… Dès lors, il avait décidé de s'excuser de tous ses péchés comme on le lui avait appris jadis chez les jésuites.

Après avoir respiré un bon coup, il se décida enfin à se lever et à aller dire un petit coucou au papa de Jésus.

Une fois la lourde porte en bois franchie, Johan se rappela la situation financière précaire de l'Eglise pouvant expliquer le froid régnant dans ce lieu de culte… Vivement qu'il allume un bon vieux cierge pour se réchauffer les mains !

Il scruta les environs… Pas grand monde à l'horizon si ce n'est deux petites vieilles en train de réciter un chapelet au premier rang. Il préférait cela à la grande foule, il avait toujours aimé le calme et, pour pouvoir effectuer ses requêtes, il allait devoir se concentrer en silence ! Il ne savait trop comment s'y prendre… Allumer la bougie ne serait pas bien compliqué mais la suite serait d'un tout autre acabit…

Il se revit alors une heure plus tôt, écoutant Polnareff dans sa voiture… « Que fait-il donc le Dieu qu'ils aiment, qui vit dans l'espace ? »...

Le genre de chose susceptible de lui causer quelque souci en ce moment… Surtout qu'il l'avait passée en boucle et chantée à tue tête…

Après avoir à nouveau vérifié qu'il n'y avait pas de nouvel intrus dans la cathédrale, il alluma sept cierges car il se souvenait que c'était une sorte de chiffre magique dans la religion catholique ! C'était relativement bon marché donc cela n'allait guère grever son budget uniquement constitué par les allocations de chômage. Pour un mois encore du moins…

Il se figea, fit quatorze – car quatorze valent mieux que sept – signes de croix et rassembla ses pensées. Il en avait des demandes à effectuer….

Comme prévu, il commença par s'excuser de ne pas aller souvent à la messe et de ne pas verser d'argent à des œuvres de charité mais c'était promis, il ferait mieux dès qu'il aurait démarré son nouveau job dans quelques semaines…

Bon, il pouvait enfin démarrer les choses sérieuses, les gros dossiers…

Cela le faisait légèrement sourire de parler de « trucs hyper importants » quand il pensait à toute la misère du monde et aux petits noirs en train de crever de faim…

Mais dans un sens, ce n'était pas de sa faute s'il était né au bon endroit… Dieu ne pouvait lui en tenir rigueur ! Et puis, sa vie était loin d'être un conte de fée, après tout…

Il hésita à réaliser à nouveau des signes de croix mais le regard insistant que lui portait une des deux octogénaires le poussa à rester dans la sobriété.

Il remercia à nouveau le big boss pour avoir dégotté un nouveau boulot, très bien payé qui plus est ! Il demanda ensuite que son fils revienne à la maison et cesse de suivre des chemins de traverse mal balisés. Il n'y aurait pas de problème, il lui ferait une grande fête comme lors du retour du fils prodigue, même si cette putain de parabole lui était de tous temps restée en travers de la gorge…

De la sorte, sa femme Muriel pourrait peut-être enfin sortir du gouffre abyssal dans lequel elle avait plongé en touchant à la drogue… L'absence d'un fils, unique qui plus est, était visiblement difficile à digérer… Dieu pouvait comprendre cela… Il avait créé l'Homme à vrai dire, donc les faiblesses qui l'accompagnent étaient indirectement, si pas directement, de sa faute !

Pour finir, Johan demanda, si cela était possible, de supprimer tous les connards de dealers de la face de

la Terre ! Sans eux, son épouse n'aurait jamais plongé …

Il fit un signe de croix à la façon footballeur argentin tout en regardant se consumer les sept flammes de l'espoir…

Il sortit alors afin de retrouver ses concitoyens…Le soleil était moins timide que lors de son entrée dans l'antre du Très Haut… Cela lui redonna encore plus d'espoir et de joie pour terminer ce mercredi d'avril.

Il donna des pièces à des clochards faisant la manche à la sortie de la cathédrale… Un peu plus loin, il aida un gamin à refaire ses lacets puis aida un vieillard à traverser une rue…

Ah, ce quart d'heure « religieux » l'avait boosté à fond, pour employer une expression chère à son fils ! Il était littéralement dans un état second à vouloir faire le bien et à remarquer toutes les attentions citoyennes que ses semblables faisaient autour de lui.

Tiens là, par exemple, ce jeune homme d'une vingtaine d'année, qui devait avoir l'âge de son fils d'ailleurs… Ne voilà-t-il pas qu'il aidait une jeune maman à porter sa poussette pour franchir un obstacle… La jeunesse n'était donc pas aussi pourrie que les médias le serinaient à longueur d'année…

Devant ce spectacle émouvant, Johan ne put s'empêcher d'aller féliciter le garçon pour son altruisme… Il lui souhaita le meilleur dans sa vie et lui dit surtout « Que Dieu vous bénisse car vous le méritez »…

Le jeune homme n'était pas des plus croyants et l'intervention de cet inconnu le surprit dès lors quelque peu. Mais il espérait surtout que celui-ci n'allait pas continuer à l'encenser trop longtemps car il avait une livraison urgente à effectuer pour Muriel…

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