Emile Gaboriau (1832-1873)
"Le 20 février 18.., un dimanche, qui se trouvait être le dimanche gras, sur les onze heures du soir, une ronde d’agents du service de la sûreté sortait du poste de police de l’ancienne barrière d’Italie.
La mission de cette ronde était d’explorer ce vaste quartier qui s’étend de la route de Fontainebleau à la Seine, depuis les boulevards extérieurs jusqu’aux fortifications.
Ces parages déserts avaient alors la fâcheuse réputation qu’ont aujourd’hui les carrières d’Amérique.
S’y aventurer de nuit était réputé si dangereux, que les soldats des forts venus à Paris avec la permission du spectacle, avaient ordre de s’attendre à la barrière et de ne rentrer que par groupes de trois ou quatre.
C’est que les terrains vagues, encore nombreux, devenaient, passé minuit, le domaine de cette tourbe de misérables sans aveu et sans asile, qui redoutent jusqu’aux formalités sommaires des plus infâmes garnis.
Les vagabonds et les repris de justice s’y donnaient rendez-vous. Si la journée avait été bonne, ils faisaient ripaille avec les comestibles volés aux étalages. Quand le sommeil les gagnait, ils se glissaient sous les hangars des fabriques ou parmi les décombres de maisons abandonnées.
Tout avait été mis en œuvre pour déloger des hôtes si dangereux, mais les plus énergiques mesures demeuraient vaines.
Surveillés, traqués, harcelés, toujours sous le coup d’une razzia, ils revenaient quand même, avec une obstination idiote, obéissant, on ne saurait dire à quelle mystérieuse attraction.
Si bien que la police avait là comme une immense souricière incessamment tendue, où son gibier venait bénévolement se prendre."
Les agents de la sûreté patrouillent. Ils sont alertés par des cris provenant d'un lieu mal famé, la Poivrière : Ils y découvrent deux cadavres, un homme aux 3/4 mort et... l'assassin. Simple règlement de compte selon le chef Gévrol... mais Lecoq, un jeune agent, envisage les choses différemment d'après ses observations...
Tome I.