"Je tends le dosâŠ" Ă©tait-ce lĂ son univers, son avenir??? Parlons-en de ce prĂ©sent, de cet avenir "les Ă©toiles pourrissent dans les marais du ciel"âŠCette phrase l'avait harcelĂ©e et lui revenait encore aujourd'hui, aussi dure, aussi tranchante.
Ces quelques mots abscons pour une enfant de 8 ans, dont elle pressentait instinctivement la cruautĂ© sans en comprendre tout Ă fait le sens profond, mots revolver, mots assassins, elle les avait pendant tant d'annĂ©es entendues, rĂ©pĂ©tĂ©es, retournĂ©es dans sa tĂȘte, dans l'ordre, le dĂ©sordre; "les Ă©toiles qui pourrissent, les marais, le cielâŠ" comment les Ă©toiles si brillantes pouvaient -elles pourrir et le ciel Ă©tait parfois si pur, ce ne pouvait ĂȘtre qu' un mensonge, une erreur, une invention des adultesâŠ.
une punitionâŠCette phrase la terrifiait comme l'inĂ©vitable, une fatalitĂ© Ă laquelle on ne pouvait Ă©chapper.
Définitivement, comme une porte fermée, une impossibilité d'avancer, une fin, une condamnation.
C'Ă©tait s'arrĂȘter de respirer, fermer les yeux Ă la lumiĂšre, les oreilles Ă la musique⊠Ces mots lui labouraient le cĆur, lui massacraient la vie, l'empĂȘchaient de dormir la nuit. Comment s'en dĂ©barrasser, Ă©vidence qui s'Ă©tait abattue sur elle et lui avait fait si mal au point de l'atrophier, la faire devenir bossue, bancaleâŠ
Se rĂ©veiller, se dĂ©livrer, se dĂ©ployer, refuser, rĂ©sister, faire Ă©clater ce carcan de misĂšre crasseuse, partir pour oublier. Elle avait bien sĂ»r un jardin secret, un lieu inventĂ© pour se reconstruire, un moment d'exister; elle soignait, rallumait chaque Ă©toile, rendait brillant le soleil, donner vie Ă ces marais, y semait des herbes folles, plantes caressesâŠ
Sâarracher Ă ce cauchemar, comme Ă©couter quelques annĂ©es plus tard, dans cette cour d'un charcutier au milieu des odeurs de tripes, les poĂšmes dâAragon.....
"Toujours cette puissance de connaissance de l'Ăąme"
/ Anne Tiddis /