Au XIXe siècle, en Bretagne, vivait Mademoiselle Source, une défigurée décidée à ne jamais se marier. Elle avait adopté, à trente-six ans, le bébé d'une voisine morte en couches. Il était doux et timide, et tous les soirs elle le prenait sur les genoux pour lui murmurer des mots tendres. Sa présence la comblait de bonheur. Lorsqu'il eut quinze ans, Mademoiselle Source lui acheta des livres que l'adolescent dévorait. Dès lors, le soir, il ne montait plus sur les genoux de sa mère, ne la regardait plus dans les yeux. Il avait «disparu tout entier dans l’aventure du livre.» Parfois, elle avait peur de lui, de son silence, de son regarde de plus en plus oppressant. Et plus il grandissait, plus la peur qu'elle avait de lui s'intensifiait. Il devenait étrange. «Qu’avait-il? Que se passait-il en cette tête fermée?»
Parue dans le recueil posthume «Le Père Milon» en 1899, «L'Orphelin» raconte la sombre histoire de Mademoiselle Source, et de son fils adoptif au caractère des étranges.
Guy de Maupassant (1850-1893) est un écrivain et journaliste français né au bord du littoral normand. Sa mère, douée d’une grande culture littéraire, participe à son éducation tournée vers les livres. Il passe le reste de son temps dans la campagne ou les ports, à converser avec pêcheurs et paysans qui lui serviront d’inspiration plus tard pour quelques personnages. À 12 ans, il est envoyé en pension où la religion, très présente, anime en lui un dégoût pour le sacré. Après le lycée, il est mobilisé en 1870 pour la guerre contre la Prusse. Un an plus tard, il fait ses bagages pour Paris où il y travaille comme fonctionnaire au Ministère de la Marine pendant 10 ans. En février 1875, il publie son premier conte, «La Main écorchée». Maupassant est très vite ennuyé par l’administration. Le soir, il travaille d'arrache-pied à ses œuvres littéraires ; et aux alentours de 1880, il se consacre pleinement à sa passion. C’est Flaubert qui l’introduit au monde de la littérature professionnelle. Il rencontre des auteurs réalistes, Zola, et les frères Goncourt. Maupassant fait un départ lent, mais il connaît bientôt le succès avec «Boule de Suif». Avec Zola qu’il côtoie aux Soirées de Médan, s’ensuivent de nombreuses nouvelles, toutes plus cultes les unes que les autres: «La ficelle» (1883), «La parure» (1884) ou «Le Horla» (1887). Il publie aussi des romans réalistes: «Une vie» en 1883, «Bel-Ami» en 1885 et «Pierre et Jean» en 1888. Guy de Maupassant, reconnu de son vivant, l’est aussi dans la mort: de nombreuses adaptations à l’écran renouvellent encore aujourd’hui ses œuvres intemporelles.