Le bruit d’intéressantes découvertes arrivait jusqu’à nous. L’Académie des inscriptions entendait le successeur de Mariette exposer les principaux résultats de sa première campagne de fouilles. La nécropole de Memphis et celle de Thèbes ont livré de nouveaux secrets à la curiosité des égyptologues ; des monuments ont été retrouvés dont les uns complètent les listes royales et éclairent certaines obscurités de l’histoire politique, tandis que les autres ajoutent beaucoup au peu que nous savions de l’histoire religieuse de l’Égypte. Les pyramides mêmes, muettes jusqu’à présent et que Mariette croyait condamnées à un éternel silence, les pyramides ont parlé. Ces textes de huit cents lignes que l’on vient d’y recueillir, dans les tombes de rois de la 5è et de la 6è dynastie, M. Maspero et ses élèves nous les traduiront bientôt. Voici ce que le maître annonce et proclame dès aujourd’hui, sans craindre d’être démenti par la publication et le déchiffrement des inscriptions : ces documents prouveront que, dès le temps de l’Ancien empire, l’Égypte avait déjà créé, qu’elle adorait déjà tous les dieux en l’honneur desquels se sont élevés plus tard les somptueux édifices des Aménophis, des Seti et des Ramsès. Quelque haut que l’on remonte dans ce passé dont les profondeurs, comme celles d’un gouffre béant, donnent le vertige à l’imagination, toujours on trouve l’Égypte déjà formée, adulte déjà et pourvue de tous ses organes, maîtresse des pensées qu’elle développera et pénétrée des croyances dont elle vivra durant tant de siècles. Il semble que, dans cet étrange pays, la civilisation n’ait pas eu de commencement.
À PROPOS DE L'AUTEUR
Georges Perrot, est un archéologue et helléniste français.
Reçu premier à l'École normale supérieure en 1852 et premier à l'agrégation des lettres en 1859, il est membre de l'École d'Athènes de 1855 à 1858 puis il donne des cours aux lycées d'Angoulême (1858), Orléans (1859), Versailles (1862), Louis-le-Grand (1864) avant de devenir docteur ès lettres en 1867.
Il enseigne ensuite à l'École normale supérieure à partir de 1869 en tant que suppléant de la conférence de langue et littérature latines puis il y est nommé maitre de conférences en 1871. Il est également directeur d'étude à l'EPHE en 1874. Enseignant d'archéologie à la Sorbonne à partir de 1876, il dirige l’École normale supérieure de 1883 à 19021. En 1874, il est élu membre de l'Académie des inscriptions et belles-lettres, dont il est secrétaire perpétuel de 1904 (il succède à Henri Wallon en cette dignité) à sa mort. Une médaille et un prix décernés par l’académie portent son nom.