Tel un héros de conte russe, cet ancien petit paysan devenu aviateur côtoie les tsars de son temps en exhibant son éternel sourire. Pourtant, il n’ignore rien des souffrances endurées par les protagonistes de la conquête russe de l’espace, et surtout par Sergueï Korolev (1907-1966), son mentor et père symbolique.
Mis au secret jusqu’à sa mort, le concepteur du premier vaisseau spatial habité dut subir les affres du goulag, tenir tête à Staline, manipuler Khrouchtchev et prendre Kennedy de vitesse pour que Gagarine puisse enfin ouvrir le chemin du cosmos.
Une première mouvementée, comme le prouvent aujourd’hui nombre de documents déclassés auxquels se mêlent des témoignages inédits. Il n’est qu’à lire dans ces pages le rapport secret du cosmonaute pour revivre son aventure.
D’abord bienveillant envers ce « Colomb de l’espace », le destin se retournera finalement contre lui. Encensé par son peuple, statufié et instrumentalisé à son corps défendant par les dirigeants de son pays, Gagarine périra dans des circonstances dramatiques où se mêleront le mystère, la fatalité et la coupable négligence de ses pairs.
Restent les archives et les témoins, qui parlent.
EXTRAIT
Omission ou pudeur, jamais la taille de Gagarine ne figure dans les innombrables fiches anthropométriques ou biographiques parues sur le cosmonaute. Tout sur son pouls, son poids, son taux d’adrénaline ou d’albumine, mais pas un mot sur le mètre cinquante-neuf qu’affiche la coulisse de la toise en claquant sur son pariétal lors des visites médicales si redoutées des candidats pilotes.
24 septembre 1955 : Youri quitte l’aéroclub avec son brevet de pilote en poche. Il hésite : une affectation à Tomsk, comme fondeur, ou à Tchkalov, comme élève officier de l’Armée de l’air ? Le club — succursale de recrutement militaire — a la prérogative administrative de lui notifier son incorporation à l’école de l’air Tchkalov. Youri ne dit pas non. Youri Gagarine aime le ciel, les avions et les héros qui volent — n’insistons plus là -dessus.
À PROPOS DE L'AUTEUR
Yves Gauthier est né en 1961 à Poitiers. Ce spécialiste de la Russie a traduit en français une cinquantaine d’ouvrages, dont Ermites dans la taïga de Vassili Peskov. Il est l’auteur d’une dizaine de livres parmi lesquels : L’Exploration de la Sibérie (avec Antoine Garcia, éd. Transboréal) ; Le Centaure de l’Arctique (éd. Actes Sud). Son dernier livre, Vladimir Vyssotski, Un cri dans le ciel russe vient de paraître aux éditions Transboréal.