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L’émigration des Juifs de Tunisie de 1943 à 1967 : Histoire

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Parcourez vingt années de l'histoire judéo-tunisienne.

En l’espace de vingt ans (fin 1940 - fin 1960), des 105 000 Juifs qui vivaient en Tunisie n’en ont subsisté qu’un peu plus de 10 000. L’assimilation française, l’émergence de l’idéologie sioniste à la fin du XIXe siècle, l’épisode dramatique du débarquement allemand et la blessure laissée par la France de Vichy, la montée des nationalismes dans l’ensemble du monde arabo-musulman, ajoutés au contexte géopolitique de l’époque, ont favorisé l’éveil d’une conscience des droits politiques et humains inaliénables chez la population juive de Tunisie. A la fin de l’occupation allemande (mai 1943), des départs ont eu lieu vers la Palestine ; ils s’intensifient à la veille et au lendemain de la création de l’Etat d’Israël. En 1952, l’amorce de la lutte contre l’occupant français, qui se solde par l’accès à l’autonomie interne en août 1954, fragilise cette minorité, inquiète de ne pouvoir accéder pleinement à la citoyenneté sous la nouvelle administration tunisienne, et incertaine quant à son avenir du point de vue social, économique, politique et institutionnel. Jusqu’à l’achèvement du processus d’indépendance tunisienne, l’émigration des Juifs en France et en Israël s’effectue en corrélation avec les réseaux migratoires nord-africains. Les organisations juives mondiales et les associations communautaires juives tunisiennes sont nombreuses à conjuguer leurs efforts pour assister les candidats au départ. L’intégration des émigrants dans leurs pays d’accueil se fait généralement dans la difficulté et la précarité. En 1967, lors de la guerre des Six jours, les manifestations hostiles aux Juifs portent un coup fatal à une possible cohabitation judéo-musulmane en terre tunisienne.

Les tensions entre les musulmans et les juifs de Tunisie incitent depuis des décennies ces derniers à émigrer. L'auteure, docteure en histoire contemporaine, en a fait sa spécialisation et nous partage ici ses recherches.

EXTRAIT

Lors de la première conférence nord-africaine du Congrès juif mondial tenu à Alger du 7 au 10 juin 1952, Maître Charles Haddad, président de la communauté juive de Tunis, attire l’attention sur le dilemme qui se pose aux Juifs, confrontés à ces deux protagonistes cherchant à gagner leur soutien (Résidence générale de France et nationalistes). Il souligne, par ailleurs, l’attachement des Juifs à la France, « source de leur inspiration culturelle et d’émancipation politique », précisant que, dans un tel contexte, leur meilleure alternative est de jouer le rôle de médiateurs au coeur du conflit entre musulmans et Français385. Or, s’agit-il réellement de dilemme ? Car, d’une part, Charles Haddad a précisé que la présence française est plus que nécessaire et que ce point de vue, partagé par la plupart des Juifs de Tunisie, doit rester confidentiel ; d’autre part, il a effectué des démarches pour faciliter l’émigration des Juifs du Sud du pays vers Israël, blâmant l’Agence juive de n’avoir pas pris les mesures nécessaires à leur évacuation. Également présent à ce Congrès en tant que membre de la délégation tunisienne, Mathieu Ganem, fervent sioniste, a ouvertement déclaré que les concessions politiques françaises aux nationalistes seraient nuisibles à la communauté juive tunisienne.

À PROPOS DE L'AUTEUR

Olfa Ben Achour est docteure en histoire contemporaine, spécialiste de l’émigration des Juifs de Tunisie. Sa thèse dont est issu cet ouvrage est la continuité d’un travail de réflexion qu’elle avait déjà mené sur la condition des Juifs tunisiens sous le Protectorat français et jusqu’à l’indépendance tunisienne. Elle a exercé dans différents instituts universitaires et publié plusieurs articles. Chercheure associée à l’IRMC, elle travaille actuellement sur la question de la patrimonialisation de l’héritage culturel judéo-tunisien.