Jean Oppenheimer, libĂ©rĂ© le 27 janvier 1945 par les troupes soviĂ©tiques Ă lâinfirmerie dâAuschwitz III-Monowitz â non loin de Primo Levi â, est transfĂ©rĂ© dans un lieu de regroupement improvisĂ© Ă Katowice. Dans lâattente de son rapatriement en France et pour tromper son ennui, il dĂ©cide, le 14 mars 1945, de tenir un journal.
Ce quâil appelle son « journal de route », initialement entrepris pour reprendre pied dans la vie en consignant les Ă©vĂ©nements du retour, se transforme rapidement en tĂ©moignage de son expĂ©rience concentrationnaire. ArrivĂ© le 23 novembre 1943 Ă Birkenau par le convoi n° 62, il est transfĂ©rĂ© au camp de Monowitz pour travailler Ă lâimmense usine de la Buna.
Cette Ă©criture quotidienne le mĂšne sur les chemins de sa mĂ©moire de dĂ©portĂ©. Les derniers mots quâil griffonne le 9 mai 1945, juste avant de toucher le sol français, sont « dâavoir enfin cet affreux cauchemar Ă lâĂ©tat de souvenir ». Car de sa vie dâavant Auschwitz, il ne fait aucune mention : rien sur ses actions dans la RĂ©sistance, rien non plus sur son passage au camp de transit de Drancy oĂč il creuse, avec dâautres internĂ©s, un tunnel pour tenter de sâenfuir.
Pourvu dâune rigueur intellectuelle remarquable et dâune forte personnalitĂ©, Jean Oppenheimer ne fait pas quâexorciser ce quâil a vu et subi lors de sa dĂ©portation. Il sâattache aussi Ă recueillir la parole de deux survivants qui ont connu des aspects de la barbarie nazie auxquels il a Ă©chappĂ© : le Sonderkommando et les « marches de la mort ».
Ce texte, sorti de lâoubli oĂč son auteur lâavait confinĂ©, apporte Ă la mĂ©moire de la Shoah la contribution dâun homme rare.