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Le dimanche d'un jeune homme pauvre

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Jules VallĂšs

Journaliste, Ă©crivain, homme politique (1832 – 1885)

LE DIMANCHE D’UN JEUNE HOMME PAUVRE

OU

LE SEPTIÈME JOUR D’UN CONDAMNÉ

8 h. du matin.

Il fait grand jour ; hier, l’on s’est couchĂ© tard. Les hommes de lettres font le samedi, comme les cordonniers le lundi.

Dans votre escalier, on court, on se heurte, on crie, on chante. C’est une suite de bonjours, d’embrassades et de gros rires. Dehors, c’est la chanson monotone et lourde qu’entonnent les cloches sur les Ă©glises.

Par la fenĂȘtre arrive un jour pĂąle et mĂ©lancolique ; le soleil est froid, son regard est triste, et le cƓur se serre sans qu’on sache pourquoi
 On dĂ©couvre une lacune dans son roman, une invraisemblance dans sa piĂšce, des trous Ă  son pantalon ; on n’a de courage Ă  rien, on se sent pauvre, bĂȘte et lĂąche.

Les heures seront longues et tristes aujourd’hui.

C’est dimanche !

Tenez ! voici son parrain qui monte ; le M. Dimanche de MoliĂšre, revu et considĂ©rablement corrigĂ© par la sociĂ©tĂ© nouvelle. On ne le roule plus aujourd’hui ; il n’est plus votre dupe, vous ĂȘtes sa victime ; il vous faut tĂŽt ou tard passer sous les fourches caudines de ce Samnite.

Cependant le crĂ©ancier du septiĂšme jour n’est pas le mĂȘme que le crĂ©ancier de semaine. C’est souvent un compatriote qui, parce qu’il est de votre endroit, vous a fait Ă  crĂ©dit un habit et un pantalon noir, costume de cĂ©rĂ©monie que vous avez traĂźnĂ© dans toutes les brasseries et abreuvĂ© de biĂšre du Nord. Il vient donc, le dimanche, comme un ami aprĂšs son travail, vous parler de ses petites affaires, de ses petits enfants, et vous montrer la petite note ! Il vous prend par la pitiĂ©, pleure dans vos draps, vous offre vos effets, les brosse, et il ne faut pas moins pour le chasser que l’arrivĂ©e d’une visiteuse, que vous faites passer pour une marquise, votre maĂźtresse, en le faisant passer, lui
 par une autre porte.

Il part, vous ouvrez ; c’est la blanchisseuse ! Cette femme — du monde qui savonne — vous apporte le linge hebdomadaire avec un papillon blanc tachĂ© de noir piquĂ© au ventre d’une chemise. Vous connaissez l’insecte ; il y en a une collection dans votre tiroir marquĂ©e en chiffres connus. Celui-ci est gros : trois francs cinquante centimes. Vous avez vingt sous dans la poche de votre gilet : comment Ă©loigner l’ennemi ? En lui donnant Ă  laver d’autre linge ou un ouvrage de vos amis — marquĂ© trois francs, prix fort.

Et vous restez seul avec votre chemise ! trop heureux encore ! tant d’autres n’en ont pas ! tel poĂšte que je connais, par exemple, qui, quand il veut changer de linge, prend du papier et une plume, Ă©crit sur le revers Longueville, et se passe cette guirlande au cou !

N’importe, vous ĂȘtes triste ; tout cela n’est pas gai. A ce mĂ©tier, l’esprit se gĂąte, le cƓur se fane. Et alors qu’il faudrait, pour vous distraire des douloureuses rĂȘveries, une chanson joyeuse Ă  vos oreilles, l’éclat du rire entre des lĂšvres roses, sous votre fenĂȘtre, dans la cour, une voix de femme pleure sur un ton nasillard quelque romance de Paul Henrion. On ne l’entend que ce jour-lĂ . C’est le crapaud qui vient pousser sa plainte hebdomadaire, lĂącher aussi sa petite note. C’est le la du dimanche.

On passe son paletot, on ouvre ses croisĂ©es. Aux fenĂȘtres voisines, des hommes velus s’écorchent le poitrail avec des serviettes de toile jaune.

Car voici le grand jour de la lessive humaine.

Ce sont les artisans honnĂȘtes qui essuient la poussiĂšre du travail, comme les soldats la poudre aprĂšs la bataille.

On descend.

La rue a aujourd’hui une nouvelle physionomie. On ne se croirait plus dans son quartier, pas mĂȘme dans son pays.

Au lieu des jeunes femmes en petit bonnet qui passent tous les matins, leur panier Ă  ouvrage au bras, on n’aperçoit que demoiselles en chapeaux qui vont comme le diable. Tout le monde, du reste, marche vite Ă  cette heure-lĂ  : les vieux, les jeunes, les hommes, les femmes et les Auvergnats. On court chez un ami, chez le coiffeur, chez la modiste, chez grand’papa, chez grand’maman
 On dirait des morceaux d’un serpent coupĂ© qui se cherchent.

Les morceaux mĂąles ont ce jour-lĂ  des couvre-chef achetĂ©s au : Halte-lĂ  ! ne passez pas sans lire ! Au bout de tous les bras s’étendent, comme des taches, des gants de laine ou de chevreau mort-nĂ©, au bout des gants des morceaux de bois qu’on appelle des cannes.

Le dimanche est le Mardi-Gras des cannes et des gants.

Des hommes qui paraissent avoir les reins cassĂ©s et qui jettent leurs jambes de droite et de gauche, comme s’ils n’en voulaient plus, promĂšnent dans les rues des paquets enveloppĂ©s de serge noire, et cognent tous les passants. Ces dĂ©hanchĂ©s sont des tailleurs qui vont chez la pratique. C’est le dimanche qu’on Ă©trenne les redingotes Ă  ressource et les culottes Ă  fond de bois.

Cependant, chez les charcutiers, des mĂšres de famille en dĂ©shabillĂ© et des enfants morveux vont soulever le couvercle en fer-blanc de la boĂźte aux saucisses, et piquent la fourchette dans les boyaux qu’on vend sous des noms divers Ă  une population abrutie — ou bien on commande une assiette assortie, — de la cochonaille en alinĂ©as. Le petit salĂ© triomphe.

Sous les quais, on voit descendre des hommes Ă  la mine grave, Ă  l’Ɠil rĂȘveur, qui regardent avec mĂ©lancolie des vers se tordre dans du son. Ce sont les victimes de la pĂȘche Ă  la ligne, des Français qui, dĂ©tournĂ©s par leurs occupations ordinaires de leur fatale passion, viennent, le jour du repos, s’y livrer avec fureur, et oublier sur le bord de l’eau, sous-chef, femme, enfants et patrie !

LĂ -haut, au milieu du chemin, deux rosses poitrinaires, traĂźnent un fiacre tachĂ© de boue, dans lequel un Pierrot Ă©reintĂ© dort d’un sommeil pĂ©nible, sur l’épaule d’une catin levĂ©e la nuit au bal.

On se trouve seul au milieu de cette foule armĂ©e de cannes, de gants, de paquets et de lignes Ă  ablettes ; et l’on cherche dans son esprit quel camarade l’on pourrait bien aller voir pour Ă©gorger l’ennui. Les camarades, les amis, oĂč sont-ils, ce jour-lĂ  ? L’employĂ© n’est pas Ă  son bureau, un autre est chez son pĂšre, cet autre chez sa maĂźtresse ; celui-ci dĂ©jeune aux Batignolles, celui-lĂ  cherche Ă  dĂ©jeuner.

On va prendre ses quatre de riz ou ses cinq de chocolat Ă  la crĂ©merie habituelle. Ce ne sont plus les mĂȘmes gens, les mĂȘmes petites ouvriĂšres honnĂȘtes et
 autres, qui vous souriaient comme Ă  un camarade de misĂšre ; les voisins de table Ă  qui l’on retenait le SiĂšcle
, la bonne est triste, le lait tourne.

Que faire ? de la fausse monnaie ? Pas d’outils. De l’argent ? OĂč, chez qui, comment ? Il n’y a pas 7 fr. 50 Ă  emprunter dans Paris maintenant ! Une culotte vous reste, un paletot gris, un gilet vert. Le mont-de-piĂ©tĂ© est lĂ  !

InsensĂ©, ignorant ! Le mont-de-piĂ©tĂ© est encore ouvert, mais ouvert aux heureux ! On dĂ©gage jusqu’à midi : mais

ON N’ENGAGE PAS LE DIMANCHE !

Auriez-vous dans votre gousset une lettre de change sur M. Bapaume ou M. MirĂšs, vous ne toucherez pas plus l’une que l’autre. Banquiers, correspondants, tous ont fermĂ© la caisse. La poste a changĂ© ses heures, les courriers partent plus tard ; les locomotives font leur dimanche.

Les sangsues mĂȘme font relĂąche. Les marchands d’habits borgnes, ceux qui prĂȘtent cinq francs sur le paletot d’hiver, et quarante sous sur la grande, ceux-lĂ  aussi ferment leur baraque. A travers le carreau cassĂ©, qui porte un bandeau de papier sur l’Ɠil, on voit bien trembler quelque guenille, on entend bien aussi quelque bruit dans le fond. Mais il est inutile de frapper, le prĂȘteur n’ouvrirait pas ; le vampire digĂšre.

Midi.

OĂč donc porter ses pas et quels lieux visiter ? (Ponsard.)

LA MORGUE.

Peut-ĂȘtre trouverait-on sur les dalles quelqu’un de sa connaissance, son bottier, par exemple. Ce spectacle jetterait un peu de gaietĂ© dans l’ñme. Mais non : ces gens-lĂ  ne meurent que quand on les a payĂ©s ! Il a encore longtemps Ă  vivre.

LES CAFÉS.

Dans la semaine, on va faire un tour au cafĂ©. Si l’on n’a pas d’argent, on a toujours un ami en face duquel on s’assied, comme si l’on avait une confidence solennelle Ă  lui faire. Quand le garçon demande : Que faut-il servir Ă  monsieur ? Grog ? demie ? On rĂ©pond un : Je m’en vais, significatif. Le garçon, qui connaĂźt ce genre de consommation, s’éloigne, et l’on reste deux heures Ă  la table.

Mais c’est aujourd’hui une autre population qui envahit le local, ceux-lĂ  mĂȘme qui ont des figures connues ont une autre tournure et d’autres airs de tĂȘte. Les consommateurs sont agitĂ©s, bruyants. Ils jouent des parties de cartes interminables, ou remuent, comme un chapelet de vieilles dents, un jeu de dominos crasseux qu’ils font tourner avec frĂ©nĂ©sie en attendant le moment favorable pour passer leur double.

On se rĂ©signe donc. On pĂšse dans sa poche ce qui reste aprĂšs dĂ©jeuner sur la pauvre piĂšce de vingt sous ; on compte, on se dĂ©cide, et l’on demande sa demi-tasse sans petit verre. On contemple avec tristesse le ventre jaune des carafons, qui ne se dĂ©boutonnent, hĂ©las ! que pour la somme de 20 centimes


Cependant, autour de vous, des gaillards Ă  la mine rose, en gilet long, en culottes courtes et en guĂȘtres jaunes, s’arrosent le gosier avec une insolente gĂ©nĂ©rositĂ©, et prodiguent les consolations Ă  leurs glorias. Ce sont des laquais de bonne maison. Ils campent fiĂšrement sur l’oreille leur melon de velours ou leur casquette aux tons luisants — le casque en cuir bouilli de la domesticitĂ©.

Vous cherchez les journaux. Tous sont en main. Un monsieur Ă  lunettes jette le Figaro avec un air de dĂ©dain. Vous l’empoignez. Malheureux ! tu l’as lu, relu, avec l’Illustration, le Monde IllustrĂ©, le Journal amusant et tous les petits journaux ennuyeux, datĂ©s d’aujourd’hui, nĂ©s d’hier.

On se tourne alors mĂ©lancoliquement vers le billard. C’est bien autre chose ! on y joue des parties Ă  quatre ; c’est une forĂȘt de queues en dĂ©lire. On regarde la rĂšgle, on fait rouler de petites boules en bois peint sur des tringles sales.

« Guùtre aux chaûnes, » dit un Alsacien.

« ChĂš moa qui a les noerrs, » mĂąche l’Auvergnat.

« Et moi, les rouzes, » dit le Marseillais.

Et tout ce monde-lĂ  vous flanque des coups de queue dans la tĂȘte, puis vous demande pardon en vous grattant vos bosses. — Et les cous de se tendre, les jambes dĂ© se lever ; ils suivent la bille des yeux, des reins, du derriĂšre !

« Forcez, la blanche ! — Assez, la rouge ! — Collez-vous ! — Passe derriĂšre. — Va toujours ! — LĂ  !
 trĂšs bien !
 — Elle est masquĂ©e. — La grosse queue ! »

Pendant que les hommes jouent, les femmes font des canards et cherchent les images.

On se lĂšve. Pour atteindre Ă  son chapeau, il faut marcher sur des queues de chien, des tĂȘtes d’enfant, froisser les jupes, renverser les verres, et, par-dessus le marchĂ©, s’entendre appeler, Ă  mi-voix : « Maladroit ! butor ! grand rĂąpĂ© ! » Vous mettez la main au bouton de la porte, une voix sinistre prononce votre nom. Vous vous retournez. C’est un crĂ©ancier Ă  vous qui prend une cruche avec un confrĂšre. Il vous parle par-dessus la table : « Pensez-vous Ă  moi ? Il y a bien longtemps que ça dure
 On ne me donne pas le cuir
 » Tout cela dit avec une discrĂ©tion hypocrite, de façon Ă  ce que les voisins entendent et Ă©cartent leurs chaises en se signant. N’allez pas au cafĂ© ce jour-lĂ  ; on n’y trouve que des domestiques, des esclaves et des crĂ©anciers.

Le dimanche, si triste pour l’homme libre, est le jour de fĂȘte des vaincus. C’est ce jour-lĂ  que les rĂšglements ouvrent aux visiteurs les portes des hĂŽpitaux et des prisons.

Ceux qu’ont jetĂ©s Ă  Sainte-PĂ©lagie les hasards de la politique, ceux qui expient dans le grand jardin triste de Clichy leurs folies de jeunesse, tous ces exilĂ©s de la vie militante attendent en frĂ©missant les visites amies. Les cƓurs battent dans la prison quand le pas du gardien prĂ©posĂ© au parloir retentit dans la galerie. « Est-ce pour moi que l’on vient ? » se dit chacun en prĂȘtant l’oreille. Et l’on reprend triste et dĂ©couragĂ© sa promenade solitaire, si c’est un autre nom qu’a prononcĂ© la voix indiffĂ©rente de l’homme Ă  casquette Ă©toilĂ©e d’argent.

Dans les hÎpitaux, de pauvres garçons aux joues creuses, aux yeux éteints, viennent tendre à travers le guichet leurs mains que fait trembler la fiÚvre. Triste spectacle !

De ce cĂŽtĂ© la santĂ© et la vie, mais l’inquiĂ©tude et la douleur.

De l’autre cĂŽtĂ© de la grille, dans l’antichambre de la mort, des casaques grises, et des bonnets de coton blanc qui ne font plus rire, je vous jure, et qui retombent en plis tristes sur des tĂȘtes pĂąlies.

Mais dans le monde oĂč nous vivons, on ne va guĂšre Ă  l’hĂŽpital que pour boire du vin ou pour mourir. Les vieux de la vieille et les vieux de la jeune le savent bien. L’amitiĂ© d’un interne vous ouvre pour quinze jours un rĂ©fectoire. Ce sont des relais de santĂ©, oĂč s’arrĂȘtent chacun Ă  leur tour les ambitieux qui courent la poste sur le chemin de la gloire. Pendant quinze jours, on dĂ©jeune et l’on dĂźne, on boit du sang de rosbif et de raisin, et l’on quitte le rĂątelier un peu plus gras, un peu plus fou, pour enfourcher de nouveau son dada et dĂ©vorer la route.

Pourquoi aller voir ceux-lĂ  ? pourquoi aller voir les autres, ceux qui ne sont venus que pour mourir ? Pendant dix ans, ils ont gardĂ© suspendu un point d’interrogation dans leur estomac creux. Mangerai-je aujourd’hui ? mangerai-je demain ? Ils ont cru que la faim ne mordrait pas sur leur santĂ© parce que la fiĂšvre les soutenait, colorait leurs joues pĂąles, allumait leurs yeux noirs ; ils ont ri au nez de la misĂšre, et elle s’est vengĂ©e. Ils ne pourraient mĂȘme plus se traĂźner jusqu’au parloir, et pour causer avec eux du temps passĂ©, pour Ă©couter leurs suprĂȘmes paroles, le jour est mal choisi. Il faut au mourant qui murmure la sainte majestĂ© du silence. Et dans ces salles si tranquilles va tout Ă  l’heure entrer avec fracas une foule banale. Sur le parquet jaune vont se traĂźner, en le rayant, les souliers ferrĂ©s de l’ouvrier et les sabots du paysan ; triste refrain pour un De Profundis.

Il ne fait pas bon mourir le dimanche.

Les Ă©glises elles-mĂȘmes n’ont plus l’aspect solennel du temple, oĂč venaient s’agenouiller dans l’ombre les Madeleines. Il y a bien des coquettes et bien des indiffĂ©rentes ; seule la CharitĂ© veille aux portes. Les dames quĂȘteuses tendent de leur main blanche la bourse Ă  glands d’acier ; je laisse tomber un sou dans l’aumĂŽniĂšre. Le suisse, qui joue avec le fer de sa lance, me jette un regard de mĂ©pris.

En sortant de la messe, quelques femmes vĂȘtues de noir se rĂ©unissent et prennent le chemin du cimetiĂšre ; elles vont pleurer sur des tombes, attacher Ă  la grille du caveau ou Ă  un bras de la croix noire une couronne d’immortelles. Seuls les morts dans la fosse commune dorment sans fleurs et sans priĂšres.

2 heures.

Les maisons sont abandonnĂ©es, les magasins fermĂ©s, les portes closes. Tout Paris est dehors, et pourtant la plupart des rues sont vides. Ceux qui passent vont lentement et sans bruit, comme des gens qui suivent un enterrement. On dirait qu’un flĂ©au a passĂ© par lĂ  : la guerre ou le cholĂ©ra.

Plus de camions roulant avec fracas sur le pavĂ©, plus de charrettes se heurtant au coin des rues ! Elles dorment dans les chantiers, sous les hangars et dans les cours, les reins Ă  terre, les bras en l’air, et, habituĂ© que l’on est au gĂ©missement des essieux, aux hennissements des chevaux, aux jurons des charretiers, on regarde avec tristesse rouler les petites voitures de place et les longs omnibus conduits par des cochers muets.

Le gamin de Paris, cette sauterelle de la rue, n’est pas lĂ  qui gambade entre les pieds des bĂȘtes et les jambes des hommes, jetant au vent son coup de sifflet ou sa chanson. Le cri nasillard du marchand d’habits, la fanfare du fontainier, l’appel plaintif du Savoyard : morts, tous ces bruits, tous ces refrains ! La vie a disparu ; les vivants mĂȘme ont l’air de n’avoir point d’ñme.

Dans la semaine, on va, on vient, on se rencontre, on se bouscule, flĂąneur ou employĂ©, riche ou pauvre, dĂ©putĂ©, artiste, ouvrier, les paresseux et les vaillants, tous s’agitent, sortent d’ici, courent lĂ -bas, cherchent ceci, cela, du pain, de la gloire, une femme, une rime, un million. Ils vont au bureau, au cours, au journal ou Ă  l’atelier, chez le notaire, chez l’usurier.

Aujourd’hui, ils se promĂšnent ! mot bĂȘte ! Tout Paris est sur les boulevards, rue de Rivoli, dans les jardins publics, aux Tuileries, aux Champs-ÉlysĂ©es. Le long des trottoirs et des allĂ©es, on voit descendre Ă  petits pas une foule tranquille, Ă©maillĂ©e de redingotes vertes et d’habits noirs, de bonnets en tulle et de capotes Ă  plume ; de temps en temps, passe un polytechnicien, le manteau sur l’épaule, ou un Ă©lĂšve de Saint-Cyr les mains dans son pantalon rouge, et ici, comme au cafĂ©, comme partout, le mĂŽme abonde ; quelques-uns sont habillĂ©s en zouaves avec des culottes fendues par derriĂšre.

Combien est triste et banal ce voyage Ă  travers cette foule Ă©paisse, oĂč se pressent, se mĂȘlent et se heurtent les acteurs en vacance de la grande comĂ©die humaine ! Pas une figure ne se dĂ©tache en traits heureux sur le fond terne du tableau. Hier samedi, avant-hier, tous les autres jours enfin, les visages reflĂ©taient les Ăąmes, la lĂšvre Ă©tait plissĂ©e, le pas rapide, le geste vif, le front inquiet, l’Ɠil ardent. Aujourd’hui, le masque est tombĂ© ; on ne voit que des tĂȘtes banales sur des Ă©paules bien couvertes ; sourires fades, airs bĂ©ats. A demain, les affaires sĂ©rieuses, les physionomies Ă©clairĂ©es au feu des passions sottes ou grandes, la cupiditĂ©, l’ambition, l’amour


Dirai-je les fiacres pleins, les omnibus complets, les bureaux de tabac encombrĂ©s ? Les chevaux sont sur les dents, les conducteurs n’entendent pas, il pleut des cigares d’un sou !

Sur les places, les saltimbanques tordent les reins Ă  leurs enfants ; devant l’obĂ©lisque, des opticiens rĂąpĂ©s enseignent des astronomies rĂ©volutionnaires et montrent la lune aux passants.

A travers cette foule, tortillent comme des serpents bruns des bandes de collĂ©giens abrutis, conduits par un pion Ă  barbe rouge, et prĂ©cĂ©dĂ©s d’un domestique cagneux en habit de prĂ©fet Ă  collet groseille. Deux ou trois petits mulĂątres font tache dans la bande. Pauvres enfants ! pauvre homme ! plus Ă  plaindre encore que moi !

Ils sont prisonniers, je suis libre !

Libre ?

Non, tu ne l’es pas, rĂŽdeur au paletot chauve, au chapeau rougeĂątre ! Tu passes triste, honteux, au milieu de ces promeneurs en toilette neuve ; tu as peur de rencontrer l’ami riche, le protecteur puissant ; tu n’oses regarder en face les belles crĂ©atures qui flĂąnent par lĂ , dans leur cuirasse de soie et de velours ! Tout le monde a l’air heureux ici, les braves gens et les filous, les Ă©lĂ©gants et les grotesques, les artistes et les notaires, les gandins aux fines moustaches et les souteneurs aux gros favoris, les impures cĂ©lĂšbres et les ouvriĂšres modestes, les pĂšres de famille et les mĂšres de louage ; dans la poche du plus mince employĂ©, du plus pauvre artisan, on entend tinter les piĂšces blanches qu’ils feront sauter sous la forme d’un lapin Ă  la barriĂšre ou d’une grisette au Casino ; dans ta poche, Ă  toi, qu’y a-t-il ? Un manuscrit fripĂ© des bords, avec un titre
 qu’on n’escompte pas Ă  la Banque


Tous les plaisirs te sont dĂ©fendus. Tu n’entreras mĂȘme pas au cafĂ©-concert, oĂč des fruits secs du Conservatoire et de la rue BrĂ©da Ă©corchent Auber et Rossini : le patron se charge des consommateurs. Ne t’arrĂȘte pas bien longtemps : le gĂ©rant viendra te dire que tu presses trop sur la chaĂźne.

Il te reste Guignol, Polichinelle, les macarons, la balançoire ; tu peux encore, en te ruinant, monter sur l’Arc de Triomphe, entrer dans la colonne VendĂŽme, te faire peser — pour voir de combien de livres on maigrit chaque annĂ©e, dans les lettres.

L’AMOUR !

L’amour nous reste !

Mais le jeune homme pauvre a pour maütresses les maütresses de tout le monde ou la femme d’un autre.

Celles de tout le monde, elles vont oĂč fleurit la demi-tasse, le dĂźner Ă  trente-deux sous, le cheval de bois et le quadrille Ă©chevelĂ© ; elles vont aux poches enceintes.

La femme d’un autre, l’épouse adultĂšre, elle est prise aujourd’hui : il est lĂ . A Roger la semaine, au mari le dimanche
 C’est lui qui dĂ©lace le corset de Fanny, ou bien, ce sont les enfants qu’on a amenĂ©s de l’école, pauvres petits ĂȘtres dont on est jaloux, et qui font Ă  leur mĂšre un rempart de leur innocence
 C’est encore la famille des grands parents, qui vous regarde comme un ennemi ; il vous vient presque des remords.

5 h. 40 m.

La foule remonte, les jardins publics se vident, les rues se repeuplent, les restaurants commencent Ă  se remplir. Le patron Ă©tire les serviettes, essuie les carafes, presse le chef, gourmande l’officier — cet enfant de troupe de la cuisine.

Cependant, trois familles sont dĂ©jĂ  installĂ©es. Une julienne ouvre la marche de Balthazar, deux purĂ©es croĂ»tons lui succĂšdent, le rognon saute, le bourgeois frĂ©mit, l’orgie commence.

On voit Ă  travers les carreaux l’homme et la femme qui feuillettent la carte, en s’interrogeant d’un air tragique. « A quoi avons-nous droit ? » Tel est le premier cri qui s’échappe des deux bouches (1 potage, 3 plats au choix, un dessert pouvant se remplacer par un petit verre de vespĂ©tro (quel nom !), une demi-bouteille de MĂącon (!!) pouvant se remplacer par une bouteille et mĂȘme deux, si l’on veut y mettre l’argent. Ils se consultent
 On les entend demander du faisan ! Il y a donc des gens, au dix-neuviĂšme siĂšcle, aprĂšs soixante ans de rĂ©volution, aprĂšs les cas d’asphyxie signalĂ©s de toutes parts, qui viennent demander du faisan dans les restaurants Ă  32 sous ?

LE VER SOLITAIRE.

Si aveugles que soient les potages, si faisandĂ© que paraisse le faisan, la vue des plats qui passent met le ventre de belle humeur, les grosses dents se rejoignent, l’estomac tressaille. Le ver solitaire se dĂ©mĂšne. Tout homme de lettres porte en lui de douze Ă  quinze mĂštres de ver solitaire. Il ne rend le dernier centimĂštre que le jour oĂč il est arrivĂ©. Les bonnes femmes nourrissent le leur avec du lait, nous tuons le nĂŽtre avec de l’encre.

On songe donc Ă  faire comme tout le monde, Ă  dĂźner ! On se dirige machinalement du cĂŽtĂ© de l’hĂŽtel, vers la pension.

Point de lumiùre ; le silence ! Un frisson vous court dans le ventre
 C’est le lasciate ogni speranza du Dante
 c’est le rùglement de la table d’hîte.

On ne dĂźne pas le dimanche !

Reste l’ami calicot ou pion qui vous a donnĂ© rendez-vous sous l’OdĂ©on Ă  sept heures pour passer la soirĂ©e ensemble en prenant quelque chose. — Les esclaves ont toujours de l’argent dans leurs bottes. — Il vous offrira, au lieu de gloria, le petit pain et la saucisse, l’implacable saucisse ! On ne connaĂźt pas assez Ă  notre Ă©poque, l’influence du cochon en littĂ©rature. Je connais des hommes de lettres maintenant en route pour l’AcadĂ©mie, qui ont mangĂ© un kilomĂštre de boudins pendant les annĂ©es difficiles du noviciat.

Quelques-uns qui, ne pouvant tenir Ă  la peine, sont descendus des hauteurs du Parnasse et du quartier Latin pour entrer comme employĂ©s dans un bureau, une Ă©tude ou un magasin, se prennent parfois Ă  regretter ce temps d’émotions salĂ©es. Ils ont la nostalgie de la saucisse.

Il en est d’autres, au contraire, dont ce rĂ©gime a perverti les idĂ©es, les sentiments, l’estomac. La charcuterie me fait peur, me disait une ancienne victime du boudin littĂ©raire, j’aimerais mieux les garder qu’en manger encore !

On se promĂšne donc de long en long. Les trois boutiques de libraires sont fermĂ©es. Seuls, deux Ă©lĂšves de l’École normale et un homme en chapeau pointu lisent les feuilles du soir chez le pĂšre Brasseur, le marchand de journaux. Les pas rĂ©sonnent sur les dalles comme dans les corridors d’un chĂąteau oĂč il y a encore des revenants. Ici, les revenants se tiennent au bout des galeries, entre des barriĂšres. Des sergents de ville sont lĂ  qui les empĂȘchent d’agiter leurs chaĂźnes. Ces ombres attendent que sept heures et demie sonnent Ă  l’horloge du monastĂšre pour aller se perdre dans les Catacombes. Il y aura ce soir tragĂ©die : on donne Britannicus.

Vous, pourtant, vous attendez, l’estomac dans les jambes, la tĂȘte en feu ! Mais la saucisse ne vient pas : les boyaux grognent, le cƓur se serre ! le cƓur, le vrai malade. Dans ce duel avec la faim, ce n’est pas l’estomac qui souffre, c’est l’ñme. Mille maux pour un sont plus douloureux ; une migraine, un lombago, une coupure au doigt. Mais il y a dans le spectacle de son impuissance je ne sais quoi de cruel et de sombre qui pousse Ă  la rĂ©volte, le pouls bat moins fort que le cƓur.

Voilà ce que c’est qu’avoir faim dans le pays des orgueilleux !

Alors on s’en va rĂŽdant Ă  travers les rues, et, par une ironie fĂ©roce du hasard, on passe devant les cuisines sĂ©rieuses des Foyots, des Janodets
 On est pris Ă  la gorge par le parfum des sauces, on s’arrĂȘte, l’Ɠil hagard, devant les bassins factices oĂč se crispe dans le jet d’eau l’écrevisse, ce cardinal du ruisseau.

Dans l’intĂ©rieur, les cuisiniers vĂȘtus de blanc, comme les sacrificateurs des temps antiques, taquinent le brasier, font voler les couvercles, passent au fil de la broche les perdrix rondelettes, au ventre azurĂ© par les truffes, et les gigots Ă  la Rubens qui pleurent Ă  chaudes larmes dans la lĂšchefrite
 l’oignon siffle, le beurre chante


Dehors, il fait froid, il fait faim.

Et ces canailles de marmitons qui trempent leur doigt dans la sauce, et se le sucent jusqu’à l’épaule !

LE REPAS DU PHILISTIN.

Il y a bien par lĂ -bas, bien loin, dans la rue des JeĂ»neurs, une famille du pays qui soupe Ă  huit heures, chez laquelle votre couvert est mis les dimanches et jours fĂ©riĂ©s, mais la mĂšre est hydropique, la fille Ă  peu prĂšs hydrocĂ©phale, le pĂšre presque hydrophobe. Il mordrait volontiers aux jambes quiconque parle peinture, thĂ©Ăątre ou roman. On n’y va pas sans museliĂšre.

9 heures.

OĂč tuer le temps ? quels refuges nous restent ?

LA BRASSERIE.

Elle est pleine de monde et elle est vide, on y trouve deux cents consommateurs, et l’on n’y rencontre personne. Les uns courent le guilledou, d’autres mangent le gigot Ă  l’ail au sein de la famille, quelques-uns dĂźnent chez un camarade frais mariĂ©, qui a dit adieu Ă  la vie d’aventures, et met le pot au feu tous les dimanches. Que Dieu fasse bouillir la marmite !

LE RETOUR.

On revient machinalement vers son quartier. Les rues paraissaient tristes à midi. Qu’est-ce donc à cette heure ?

Tout est clos : c’est la nuit, c’est la mort.

Ces magasins, oĂč hier se heurtaient des lĂ©gions d’employĂ©s, oĂč le luxe Ă©talait ses merveilles dans des flots de lumiĂšre, ils sont vides, rangĂ©s comme des cercueils le long de la voie Appienne. On a Ă©teint le gaz, fermĂ© la porte, soufflĂ© la chandelle. Et les passants vont tĂątant les murailles, dĂ©rangeant les ivrognes, effarouchant les couples qui s’embrassent sous les portes cochĂšres


Quelques maisons sont encore ouvertes.

LES ÉPICERIES.

Mais l’épicier n’est plus l’ĂȘtre bĂ©at et vil que vous connaissez. C’est la fĂȘte dans la salle du fond. On dĂźne avec le frĂšre et le beau-frĂšre ; le patron, la patronne, et jusqu’à M. ThĂ©odore, le garçon au nez violet, tout le monde joue aux cartes autour de la table ronde. Ils ne viennent que quand on connaĂźt l’atout, vous servent en grognant, encaissent sans remercier, et replongent dans l’arriĂšre-boutique.

LES CHANGEURS.

Mais les piĂšces de cent sous ne dansent pas dans la balance, les billets de banque ne crient pas sous l’ongle ; Ă  peine de temps en temps un Anglais funĂšbre tourne le bouton de la porte et rĂ©veille les louis endormis dans l’écuelle.

Sont encore ouverts les pharmaciens, les herboristes, les marchands de fromage et les charbonniers !

LES CHARBONNIERS.

Existence Ă©trange que celle-lĂ  ! on a fait comme un trou au bas d’une maison. Le charbonnier est venu qui a apportĂ© lĂ  sa bascule, quatre poids de quarante, quelques cadavres de hĂȘtres coupĂ©s en morceaux, sur lesquels il s’acharne, comme un assassin en chambre sur sa victime, Ă  coups de hache, Ă  coups de scie ; il fend le bois, le taille, le rogne, et il le pĂšse : 13 sous le cotret, 2 fr. 50 c. les 100 livres.

Puis il fait venir le charbon, ce bois de couleur ; il se jette sur lui, le dĂ©charge, le met en tas, et Ă  grands coups de pioche il fend le crĂąne aux pierres noires comme des tĂȘtes de nĂšgres dĂ©terrĂ©s ou d’ours bruns ; la cervelle vole en Ă©clats et inonde de ses dĂ©bris les mains et le visage du charbonnier. Et ainsi de la charbonniĂšre ! Ainsi des petits carbonari, qui font lĂ -dessus leurs dents, leurs priĂšres et leurs ordures. L’eau est bien lĂ  pour laver les flots de poussiĂšre ; l’eau, ils la vendent — comme le feu — et ils achĂštent de la terre. Ils vivent de cette façon dans leur antre, exilĂ©s, sous la cuirasse noire, n’îtant jamais leur masque, pas mĂȘme le dimanche !

LES MARCHANDS DE FROMAGE.

Passons, passons.

MYSTÈRES !

DerriĂšre des vitres crasseuses, quelques bocaux sales, remplis de poudres blanchĂątres ; sur les autres rayons, des pompes foulantes Ă  bec de hĂ©ron Ă  l’usage du corps humain, des bandages en cuir de gendarme, et des porte-monnaie cousus de fil blanc.

Sur les lettres de renseigne, au-dessus de la porte, pendent comme des cheveux jaunes, des bouquets d’herbe sĂšche, des bouchons de paille : de chaque cĂŽtĂ©, en boucles d’oreilles, des chapelets de pavots. Il y a de tout, des Ă©ponges qui donnent soif rien qu’à les voir, des pots de pommade, des feuilles de nĂ©nuphar, des brosses pour les souliers et pour le ventre, et du chiendent — sous toutes les formes, pour frotter le velours et pour laver les entrailles. Sur le carreau du milieu, une larme verte, et au-dessus cette inscription mystĂ©rieuse :

HERBORISTERIE ET SANGSUES.

Ils ne ferment jamais, jamais ! Et pourtant on ne se rappelle pas avoir vu entrer lĂ  dedans un ĂȘtre humain. On n’y fait pas de bruit, on y brĂ»le de la chandelle.

Ouvertes encore

LES PHARMACIES.

Ces herboristeries du grand monde, avec leurs bocaux verts, leur odeur fade et rance, leurs serpents dans l’esprit de vin, leurs fƓtus confits.

LES PARADIS PROFANES.

Le vice ne fait jamais relĂąche : les filles perdues traĂźnent leur uniforme dans la boue ; et, au seuil des allĂ©es noires, pendent des tabliers blancs sur le ventre des matrones ; c’est le drapeau du rĂ©giment.

10 h. du soir, hîtel de l’Étoile, chambre 19.

Il fait sombre, il fait triste !

Hier, on Ă©tait troublĂ© par le bruit ; on l’est aujourd’hui par le silence. Rien que la voix des horloges qui se rĂ©pondent d’une tour Ă  l’autre ! Les autres jours on tend l’oreille, on compte les coups ; elles sonnent l’heure du travail ou du plaisir, marquent un accident, rappellent une promesse ou un devoir.

En ce moment, ces heures qui tombent une à une vous disent seulement que vous vieillissez, triste et inconnu, trouvant les journées longues, les années courtes !

On se prend Ă  songer aux dimanches des jeunes annĂ©es, aux bons dimanches de province qui passaient si vite, ceux-lĂ  ! Et dans cette solitude muette, en ce jour de trĂȘve, oĂč la voix du pĂ©ril n’est point couverte par le bruit du combat, la fiĂšvre tombe, le cƓur s’en va


La mansarde est triste comme la cellule d’un captif ou comme la chambre d’un exilĂ©.

On se couche, et l’on ne dort pas ; on se met à table, et l’on fait de pauvre besogne.

Si cette page vous a paru chagrine et bĂȘte, pardonnez-moi.

Je l’ai Ă©crite un dimanche.

Source: wikisource